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tées que la prospérité générale est plus grande, et qu'elles sont presque délaissées dans les temps de calamité ; il n'est donc pas étonnant qu'on ait attribué à cet état de misère publique une très grande influence sur la proportion de la syphilis chez ces femmes.

Qu'on se rappelle ce que j'ai dit précédemment sur ce qui arriva à Paris de 1823 à 1828, où un état de prospérité jusqu'alors inconnu, venant à doubler les salaires de tous les artisans et la fortune de tous les fabricants, fit monter le chiffre des affections vénériennes d'une manière remarquable; qu'on se reporte à 1814 et 1815, époque à laquelle tout l'argent de la France et de l'Europe vint s'engloutir à Paris, et que l'on voie, au chiffre effrayant des maladies, s'il est possible d'y reconnaître l'action de la cause que je signale ici.

C'est évidemment à l'aisance momentanée dans laquelle se trouve la population jeune, au commencement de l'année, qu'il faut rapporter le nombre plus considérable de maladies vénériennes que nous avons constamment retrouvé dans le mois de janvier; mais ces ressources sont bientôt épuisées : aussi voyons ce qui arrive en février, qui présente sur le mois précédent une amélioration de plus de deux cents. Si l'on peut, jusqu'à un certain point, démontrer l'influence de l'aisance générale sur l'augmentation des maladies vénériennes chez les

prostituées, il n'est pas aussi facile de prouver l'action contraire de la misère, car les chiffres à cet égard sont à peu près muets; mais dans les temps malheureux, beaucoup de filles publiques, pour avoir du pain, s'abandonnent au premier venu; pourvu qu'elles vivent aujourd'hui, elles s'inquiètent fort peu du lendemain; et l'hôpital ou la prison, qu'elles redoutent dans toute autre circonstance, deviennent pour elles de véritables asiles où elles s'estiment heureuses d'être renfermées.

Les ravages exercés à Paris par le choléra (1), dans l'année 1832, nous montrent ce que peut quelquefois la terreur pour éloigner une population des courtisanes c'est dans le mois d'avril que l'épidémie sévit avec toute sa fureur; pendant ce mois on ne compta qu'une fille infectée sur 67, tandis qu'il y en avait une sur 36 dans les mois précédents, et une sur 35 dans les mois qui suivirent.

Je me suis peut-être étendu un peu trop longuement sur ces considérations, je me hâte donc de passer à l'examen d'un autre sujet.

(1) Voyez Note sur les ravages du choléra-morbus dans les maisons garnies de Paris, par M. Villermé. (Annales d'hygiène publique, Paris, 1834, t. XI, p. 385.

S X. Détails sur les prostituées insoumises, arrêtées comme telles, et reconnues malades par le bureau

sanitaire.

Ce qu'il faut entendre par fille insoumise.

- La syphilis plus fréquente et

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plus grave chez elles que chez les autres prostituées. Tableau donnant la preuve de cette vérité. - Influence remarquable de la révolution de 1830 sur la santé de cette classe de prostituées. Nouvelles preuves du fâcheux état sanitaire dans lequel elles se trouvent constam- Embarras qu'elles ont causés en 1815 et en 1816. il importe de les saisir et de les faire traiter.

ment.

Combien

Jusqu'ici je ne me suis occupé que de l'affection. vénérienne observée chez les prostituées enregistrées, et qui, se soumettant à toutes les exigences de l'administration, ne présentent ordinairement que des maladies fort légères; comme je n'ai pas compris dans ce nombre les maladies que l'on découvre chez les insoumises, je dois remplir cette lacune.

On sait que les insoumises sont celles qui refusent de se soumettre à l'inscription; qui n'en font pas moins le métier de prostituées; que les inspecteurs saisissent, soit en flagrant délit de prostitution, soit au milieu d'un concours de circonstances qui démontre, jusqu'à l'évidence, quels sont leurs habitudes et leurs moyens d'existence.

Une expérience qui date d'un grand nombre d'années et qui n'a jamais été démentie par un seul fait contraire, prouve que non seulement la syphilis est extrêmement commune parmi ces femmes, mais

qu'elle est, chez elles, d'une gravité qu'on ne remarque jamais chez le commun des filles publiques. Pourrait-il en être autrement, puisqu'il s'est écoulé des mois et peut-être des années depuis la première invasion de ces maladies?

Le tableau suivant va faire connaître quelle a été, pour un nombre assez considérable d'années, la quantité de ces insoumises, et dans quelle proportion les maladies vénériennes se sont présentées chez elles.

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Ainsi, sur 3,110 arrestations, nous avons 814 malades, ou 1 de ces dernières sur 3,82, en d'autres termes une sur quatre.

Quant au nombre de malades qui doivent être traitées et pour lesquelles il faut un lit dans l'hôpital, moyenne en sera de 62 par année.

la

pas

Je n'ai de renseignements détaillés sur toutes les opérations de ce genre qui ont eu lieu depuis 1828, mais je sais qu'en masse elles ont toutes eu le même résultat. A la fin de 1830, après les événements de juillet, toutes les filles qu'on ramassa dans les villages de Saint-Cloud, Boulogne et Sèvres, fournirent une malade sur 2 1/2; en août 1831, sur 79 arrestations on trouva 36 malades, près de une sur deux. Les opérations de 1832 ont eu pour résultat une malade sur 4 1/2; enfin, une grande opération faite au mois d'avril 1834, dans le voisinage des casernes, soit de Paris, soit des villages environnants, ont donné 71 malades sur 179 arrestations, ou une malade sur 2 1/2. Une note isolée, trouvée par moi au milieu d'une foule de papiers mis au rebut dans les archives de la préfecture, m'a fait connaître que, dans les trois derniers mois de 1815, sur 1,906 filles insoumises qui furent arrêtées, on en trouva 850 de malades, ou 1 sur 2 à peu près.

Deux rapports faits par M. Anglès, l'un en janvier et l'autre en février 1816, au ministre de l'intérieur, nous expliquent cet état de choses véritablement déplorable. J'ai déjà parlé de ces deux pièces dans un autre endroit de mon travail; mais leur importance me fait un devoir de les reproduire ici. «<......... La gravité des affections que présentent toutes les filles de cette classe, disait M. Anglès en

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