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Je vais maintenant entrer dans des détails sur tout ce qui regarde la surveillance sanitaire, en commençant par le dispensaire.

S II. Origine des soins sanitaires donnés aux prostituées; création du DISPENSAIRE; idée de cette institution; recherches historiques sur ce qui la concerne jusqu'à l'année 1810.

La première idée de donner des soins spéciaux aux prostituées remonte à
Louis XIV. - Autre projet en 1747. Projet mieux conçu en 1792.
—Un projet tout semblable présenté par Restif de la Bretonne en 1770.
- L'administration les regarde comme impraticables.
Loi de 1791.

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La nécessité de ces soins reconnue en 1796. Arrivée de M. Dubois à la Préfecture de police. Mémoire présenté à ce magistrat. -- Il institue la taxe pour subvenir aux frais exigés par les soins sanitaires. Il confie ces soins à des hommes indignes et qui abusent de leur place. Quelques mots sur la conduite de ces misérables. Leur adresse pour tromper l'administration supérieure. Ils établissent une salle de consultation à laquelle ils donnent le nom de dispensaire de salubrité. Différence tranchée qui existe sous le rapport des attributions entre le dispensaire et le conseil de salubrité.

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Dans tous les règlements et dans toutes les ordonnances que nous avons vus jusqu'ici, il n'a jamais été question que de mesures d'ordre et de police; il n'est pas dit un mot de la santé des prostituées et des maux qu'elles pouvaient procurer. Si, dans l'arrêt du parlement de Paris, de 1494, il est « ordonné à tous ceux qui avaient la grosse vérole de sortir de la ville; » s'il est défendu de les recevoir même dans les léproseries, très nombreuses à cette époque, ces mesures s'appliquent auxvictimes de la maladie, et non aux personnes qui pouvaient la communiquer.

Ceci surprendra d'autant plus, que, pendant les deux siècles suivants, la syphilis, au rapport de la plupart des écrivains, continua ses ravages, bien que les accidents qu'elle déterminait ne fussent pas aussi graves que lors de son apparition.

Il faut arriver à l'année 1684 pour trouver la première indication de quelques soins sanitaires donnés aux prostituées; dans l'ordonnance célèbre de Louis XIV, pour la répression de la prostitution, il n'est plus seulement question d'une prison ordinaire pour y renfermer les filles d'une débauche publique et scandaleuse, mais on y parle d'un hôpital pour la punition et le traitement de ces malheureuses. En quoi consistait ce traitement? Je n'ai pu rien découvrir à cet égard; ce que je dirai par la suite, en parlant de l'hôpital, nous fera voir qu'il y était à peu près nul.

Il semblerait résulter de quelques notes trouvées sur de vieux dossiers enfouis dans les archives de la Préfecture, que Voyer-d'Argenson, lieutenant de police en 1714, et Berrier, autre lieutenant de police en 1747, eurent l'un et l'autre l'intention de soumettre les prostituées à une visite sanitaire; mais ces projets n'eurent pas de suite.

En 1762, un projet des mieux conçus fut présenté à l'autorité par un spéculateur nommé Aulas, homme de génie, et qui, sous plus d'un rapport, avait devancé son siècle; non seulement il deman

dait une organisation complète de toutes les classes de prostituées, mais de plus, pour les empêcher de corrompre le sang des citoyens, et par suite, d'altérer la santé des femmes soumises, il voulait que les dames de maisons fussent rendues responsables de l'état sanitaire de leurs filles, et que toutes, sans exception, fussent assujetties à des visites continuelles, faites par les chirurgiens attachés à la police, et sous la direction immédiate d'un chirurgien-major. Dans le rapport fait au lieutenant de police sur ce projet, j'ai trouvé les passages suivants, qui me semblent remarquables : « Si la police voulait donner aux prostituées une attention plus particulière qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, nul doute que le projet du sieur Aulas ne pût offrir des avantages; mais, comme de pareilles mesures feraient croire au public que les prostituées sont favorisées par le gouvernement; comme la confiance, résultat de semblables mesures, donnerait lieu au venin syphilitique de se reproduire plus promptement qu'on ne pourra l'amortir; comme surtout ce serait fournir matière à des risées pour le public, nous pensons, disent les rapporteurs, le projet doit être rejeté; » et il le fut en effet. Cette idée de soumettre les prostituées à des visites sanitaires paraît avoir occupé plusieurs personnes, à la même époque du siècle dernier, car nous la trouvons reproduite par Restif de la Bre

que

tonne (1) en 1770; dans son vaste projet d'organisation, il demandait que les filles fussent examinées tous les matins par une visiteuse prise parmi les prostituées anciennes et surannées, pour lesquelles il créait une espèce de charge; et de plus, qu'elles fussent soumises, deux fois par semaine, à un examen attentif de médecins et chirurgiens, dont il formait une réunion, sous le titre de Conseil de Restauration. Cet auteur, dans son excès de zèle demandait que toute fille gâtée, et qui ne se serait pas déclarée malade, fût condamnée au fouet et à trois mois de prison; il voulait que les officiers, dans les garnisons, visitassent leurs soldats, et que tout étranger qui pénétrerait en France fût assujetti à une visite sanitaire, et qu'il ne pût continuer son chemin sans un billet de santé.

Ces projets et quelques autres semblables, dont il est inutile de parler, furent tous considérés par les administrateurs de cette époque comme des utopies impraticables, et par conséquent ils furent entièrement négligés. Dans la fameuse ordonnance de 1778, le lieutenant de police Lenoir n'a mis que des règlements généraux, qui n'ont rapport qu'à la répression du désordre et du scandale; la surveillance sanitaire n'y est pas même indiquée. Il faut, cependant, que ce grand administrateur ait eu l'intention

(:) Le Pornographe, page 68.

de faire quelque chose à cet égard, car une note que j'ai trouvée dans les archives de la Préfecture fait mention de quatre maisons créées par lui dans Paris pour le traitement des prostituées. Où étaient ces maisons? n'ont-elles existé qu'en projet? les a-t-on confondues avec un nouvel hôpital, pour le traitement des nourrices et des femmes grosses infectées, que Lenoir, lieutenant de police, fit construire à Vaugirard, vers l'année 1780? c'est sur quoi l'on n'a rien de certain.

Nous sommes obligés d'arriver à l'année 1791 pour trouver l'administration convaincue de la nécessité de faire attention aux ravages exercés par la syphilis ; car la loi du 22 juillet de cette année, titre 2, art. 8 et 9, porte des peines sévères contre les prostituées qui n'offriraient pas des garanties pour leur santé (1).

(1) Ce n'est pas seulement par des lois, mais aussi par des arrêtés et des proclamations affichés sur les murs de la capitale, que l'autorité municipale veillait à la répression des désordres produits par la prostitution. Parmi ces documents, nous rapporterons la proclamation du 4 octobre 1793, non moins curieuse par le style empreint du caractère de l'époque, que par le nom du secrétaire-rédacteur.

MOEURS PUBLIQUES.

COMMUNE DE PARIS.

Extrait du registre des délibérations du conseil-général du 4 octo bre 1793, l'an II° de la république française, une et indivisible.

Le procureur de la commune, après avoir exposé les grands principes de la révolution et de la liberté, qui ne peuvent l'une et l'autre se soutenir que sur les mœurs publiques; après avoir fait sentir l'indispensable nécessité où l'on était de s'opposer aux progrès rapides et effrayants

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