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524 LÉGISLATION CONCERNANT LES PROstituées.

et jouissent de tous les avantages qui y sont attachés.

Malheur aux enfants qui tombent en de pareilles mains! nous ne pouvons que les plaindre, car nous n'avons aucun moyen de les soustraire à la corruption dont ils sont entourés.

CHAPITRE XXIII.

LES PROSTITUÉES SONT-ELLES NÉCESSAIRES?

Si on ouvre les ouvrages qui traitent de la police et des mœurs, si on écoute ce qui se dit dans le public et dans toutes les classes de la société, on verra partout dominer cette opinion, que les prostituées sont nécessaires, et qu'elles contribuent au maintien de l'ordre et de la tranquillité dans la société.

Sans blâmer cette manière d'envisager un grand fait, j'aime mieux me ranger de l'avis de ceux qui les regardent comme inséparables d'une nombreuse population réunie sur un même point. Sous des formes qui varient suivant les climats, les mœurs nationales, la prostitution reste inhérente aux grandes populations; elle est et sera toujours comme ces maladies de naissance, contre lesquelles les expériences et les systèmes ont échoué, et dont on se borne à limiter les ravages.

L'histoire nous prouve à quel point la société a toujours été révoltée du dégoûtant spectacle de la prostitution publique; elle nous la montre comme

une source intarissable de désordres, de délits et de crimes; les nations civilisées l'ont toujours poursuivie et punie de peines plus ou moins sévères, et flétrie du sceau de l'infamie. Il n'est pas nécessaire d'être époux ou père pour sentir tous les funestes effets de la prostitution, il suffit d'avoir une mère et de réfléchir combien le sexe auquel elle appar tient se trouve dégradé par la condition et les habitudes de la prostitution, qu'on peut envisager comme le plus grand contre-sens de la nature.

Les maladies affreuses que la prostitution propage depuis quelques siècles, et la crainte d'une contagion inévitable, ont-elles diminué le nombre des prostituées? non assurément : tout nous prouve que la certitude de maux encore plus grands ne le diminuera pas, et que, sous ce rapport, l'homme dominé par les besoins et aveuglé par les passions, est plus stupide et plus imprévoyant que la brute.

A défaut de l'expérience générale et de tous les temps, ce fait suffirait à lui seul pour démontrer l'inutilité des lois prohibitives de la prostitution, parce qu'il n'est pas au pouvoir de l'autorité de l'anéantir. Les prostituées sont aussi inévitables, dans une agglomération d'hommes, que les égouts, les voiries et les dépôts d'immondices; la conduite de l'autorité doit être la même à l'égard des uns qu'à l'égard des autres; son devoir est de les surveiller, d'atténuer par tous les moyens possibles les incon

vénients qui leur sont inhérents, et pour cela de les cacher, de les reléguer dans les coins les plus obscurs, en un mot, de rendre leur présence aussi inaperçue que possible.

Cette décision déplaira peut-être à quelques moralistes sévères qui, du fond de leur retraite, croient pouvoir juger la conduite de ceux qui sont placés au timon de la machine sociale, et qui les rendent responsables de tous les abus qui subsistent. Respectons cette opinion, qui part d'un bon principe, mais engageons ceux qui la professent à mieux étudier les hommes et à se mettre au courant de leurs vices comme de leurs vertus. Pour moi, je répondrais aux détracteurs de la tolérance dont l'administration juge convenable d'user envers les prostituées, par ce passage de saint Augustin: Quid sordidius, quid inanius decoris et turpitudinis plenius meretricibus, lenonibus, cæterisque hoc genus pestibus dici potest? Aufer meretrices de rebus humanis, turbaveris omnia libidinibus; constitue matronarum loco, labe ac dedecore dehonestaveris. Sic igitur hoc genus hominum per suos mores impurissimos vita, per ordinis leges conditione vilissimum. (De Ordine, lib. cap. 12, Ed. Benedict., t. I, p. 335.)

II,

Mais saint Augustin avant de se renfermer dans les cloîtres avait connu le monde, et son vaste génie lui faisait envisager les choses de la terre avec

528 LES PROSTITUÉES SONT-ELLES NÉCESSAIRES? autant de profondeur que tout ce qui regarde les plus sublimes vérités de la morale et de la religion.

La prostitution existe et existera toujours dans les grandes villes, parce que, comme la mendicité, comme le jeu, c'est une industrie et une ressource contre la faim, on pourrait même dire contre le déshonneur; car à quel excès ne peut pas se livrer un individu privé de toute ressource et qui voit son existence compromise, cette ressource est, il est vrai, celle de la bassesse, mais elle n'en existe pas

moins.

Si, malgré les lois, malgré les peines, malgré le mépris public, malgré la brutalité dont elles sont souvent victimes, malgré des maladies affreuses, malgré les suites inévitables de la prostitution, il existe partout des filles publiques, n'est-ce pas une preuve évidente qu'on ne peut les empêcher, et qu'elles sont inhérentes à la société?

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