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VI

conférences ecclésiastiques du diocèse de Saint-Brieuc, vous avez, Monseigneur, indiqué les problèmes de la géologie. Vous avez bien voulu me dire votre sentiment sur ces problèmes; vous n'acceptez pas, et avec raison scientifiquement comme théologiquement, tous ces systèmes où l'imagination a plus de part que la vraie science, et qui torturent de mille façons diverses le texte sacré des saintes Écritures. Vous regardez comme seule doctrine géologique acceptable, et comme seule digne de la toute-puissance du Créateur, celle qui interprète les faits géologiques dans les limites du sens le plus littéral de la Genèse.

Telle est aussi, Monseigneur, la doctrine que je me suis proposé de développer et de soutenir dans ce livre, d'accord en cela avec plusieurs grands maîtres de la science, et en particulier avec mon très-regretté maître, M. de Blainville, ce si illustre paléontologue. Ce livre, écrit et professé en Sorbonne, est, dans ma pensée actuelle, destiné à compléter les études philosophiques de la jeunesse qui nous est confiée.

Pour tant de raisons, Monseigneur, je suis heureux que vous daigniez en accepter la dédicace. Ce sera pour l'école SainteMarie-de-Gourin un nouveau gage de votre bienveillance. Sous votre patronage il portera d'heureux fruits et servira, j'ose l'espérer, à rectifier bien des préjugés, à ramener les esprits qui cherchent la vérité, sans passion, dans des voies plus droites parce qu'elles sont plus simples et plus naturelles; puisqu'en effet la science ne doit être que la démonstration du bon sens. Daignez donc recevoir, Monseigneur, avec cette dédicace, l'hommage de mon profond respect.

De Votre Grandeur

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

F.-L.-M. MAUPIED.

Sainte-Marie-de-Gourin, 8 septembre, Nativité de la très-sainte Vierge, 4854.

AVERTISSEMENT.

y a déjà plusieurs années que la publication de ce volume était attendue et sollicitée par tous les hommes sérieux que j'ai eus pour amis dans la science et dans le monde théologique.

On savait par mon enseignement public, et par les publications partielles que j'ai faites sur ce sujet, que j'étais loin d'embrasser les systèmes géologiques à la mode; on savait que je ne craignais pas de les combattre, pour leur substituer ce qu'il y a de positif dans la science, ce qui peut conduire à une conception rationnelle et qui ne fût en opposition avec aucune des autres sciences. On ne doit point, en effet, s'attendre à trouver ici la copie et la répétition de toutes ces hypothèses plus ou moins singulières, qui se réimpriment tous les jours en changeant de nom d'auteurs. Mais si nous sommes en opposition avec les systèmes en vogue, nous croyons aussi être fondés en raisons graves et sérieuses, dont les lecteurs impartiaux jugeront.

D'ailleurs nos conclusions sont appuyées sur les travaux des plus grands maîtres. Les cours et mémoires de M. Constant Prévost sont l'un de mes points d'appui. Les cours, les publications de mon illustre et à jamais regrettable maître, M. de Blainville, et par-dessus tout ses savantes conversations, sont un autre appui. M. de Blainville a eu connaissance de ce travail, il en acceptait le fond, conforme d'ailleurs, aussi bien que les plus importantes

conclusions, avec ce qu'il pensait et ce qu'il espérait démontrer dans sa grande Ostéologie, que la mort ne lui a malheureusement pas permis de terminer.

Je dois aussi remercier mon excellent ami, M. l'abbé Sorignet, curé de Vernonnet, autrefois mon collègue de professorat et d'études géologiques. Savant aussi modeste que généreux, uniquement intéressé à la vérité, après avoir étudié à fond le bassin géologique de la Seine, sa position l'a conduit à étudier aussi soigneusement les terrains de Normandie, et il y a recueilli une riche collection de fossiles, du sous-règne des actinozoaires et particulièrement des échinides, sur lesquels il a publié une intéressante monographie. Il a mis à ma disposition ses nombreuses recherches dans les différents auteurs qui ont écrit sur la géologie. Comme ses vues sont conformes aux miennes, je n'ai eu presque rien à changer aux matériaux qu'il m'a fournis pour les employer. Ce travail nous est donc, pour ainsi dire, commun. Je suis heureux de rendre ici justice à sa science, à ses intentions si pures, à son mérite si distingué et pourtant si méconnu. Nos désirs à l'un et à l'autre seront remplis, si nous avons pu contribuer à rendre quelque service à la sainte cause de la vérité, que l'Église seule possède et enseigne pure.

L'HOMME ET LE MONDE,

CONNUS

PAR LES TROIS PREMIERS CHAPITRES DE LA GENÈSE.

Cours d'Écriture sainte à la Sorbonne 1847-1848.

TROISIÈME PARTIE.

LA COSMOGONIE MOSAIQUE DANS SES RAPPORTS AVEC LA GÉOLOGIE ET AVEC L'HISTOIRE CRITIQUE DE CETTE SCIENCE.

PREMIÈRE LEÇON.

« Le globe immense de la terre nous offre, à la surface, des hauteurs, des profondeurs, des plaines, des mers, des marais, des fleuves, des cavernes, des gouffres, des volcans, et, à la première inspection, nous ne découvrons en tout cela aucune régularité, aucun ordre. Si nous pénétrons dans son intérieur, nous y trouverons des métaux, des minéraux, des pierres, des bitumes, des sables, des terres, des eaux et des matières de toute espèce, placées comme au hasard et sans aucune règle apparente; en examinant avec plus d'attention, nous voyons des montagnes affaissées (1), des rochers fendus et brisés, des contrées englouties, des îles nouvelles, des terrains submergés, des cavernes comblées; nous trouvons des matières pesantes souvent posées sur des matières légères, des corps durs, environnés

(1) Senec. quæst., lib. vi, cap. 21. Strab. géog., 1. 1. Oros., 1. 1, cap. 19. Hist, de l'Acad., des sc. 1708, pag. 23.

de substances molles, des choses sèches, humides, chaudes, froides, solides, friables, toutes mêlées, et dans une espèce de confusion qui ne nous présente d'autre image que celle d'un amas de débris et d'un monde en ruines. »

«

Cependant nous habitons ces ruines avec une entière sécurité; les générations d'hommes, d'animaux, de plantes, se succèdent sans interruption, la terre fournit abondamment à leur subsistance; la mer a des limites et des lois, ses mouvements y sont assujettis; l'air a ses courants réglés, les saisons ont leurs retours périodiques et certains, la verdure n'a jamais manqué de succéder aux frimas; tout nous paraît être dans l'ordre; la terre, qui tout-à-l'heure n'était qu'un chaos, est un séjour délicieux, où règnent le calme et l'harmonie, où tout est animé et conduit avec une puissance et une intelligence qui nous remplissent d'admiration, et nous élèvent jusqu'au Créateur (1). » Ainsi parle Buffon, le vrai fondateur de la géologie positive, dont l'objet est l'histoire naturelle de la terre.

Or, nous ne connaissons qu'une très-faible partie de la surface de la terre, et l'épaisseur dans laquelle nous avons pénétré n'est pas comparable à sa masse. Cependant tout prouve que nos observations arrivent jusqu'au noyau primitif sur lequel furent créés les végétaux et les animaux.

La première chose qui se présente à la surface de la terre, c'est l'immense quantité d'eau qui couvre la plus grande partie du globe; or, en considérant le fond de la mer, nous y remarquons autant d'inégalités que sur la surface de la terre; nous y trouvons des hauteurs, des vallées, des plaines, des profondeurs, des rochers, des terrains de toute espèce, des chaînes de montagnes dont les sommets forment les îles.

La mer est peuplée d'une multitude d'animaux et de plantes; son sol est de sable, de gravier, souvent de vase, de rochers, et partout il ressemble à la terre que nous habitons.

Les eaux des mers sont dans une agitation perpétuelle, qui soulève leur masse jusque dans leurs profondeurs, et qui a duré ét durera autant que la lune et le soleil qui en sont les causes. Nous y remarquons en outre des courants rapides qui semblent

(1) Buffon, Hist. et théorie de la terre.

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