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12 MOEURS DOMESTIQUES DES AMÉRICAINS.

struction était assez complète, et lorsque nous nous reposâmes pour la dernière fois dans nos petits lits, je m'écriai avec une joie qui ne manquait pas de vivacité.

«< A demain d'autres champs et de nouveaux pâturages. >>

CHAPITRE II.

Nouvelle-Orléans. Créoles et Quarterons. - Voyage au-delà du Mississipi.

En touchant pour la première fois le sol d'une nouvelle terre, d'un nouveau continent et d'un nouveau monde, il est impossible de ne pas éprouver un grand enthousiasme et un profond intérêt pour tous les objets que nous rencontrons. La Nouvelle-Orléans offre peu de choses qui puissent plaire au goût, mais il s'y trouve beaucoup de nouveautés pour un Européen fraîche

ment débarqué. La multitude de noirs qui cir-` culent dans les rues, car ce sont eux qui sont chargés de tout le travail; la grâce et la beauté des élégantes quarteronnes, les groupes de sauvages indiens au regard féroce qu'on rencontre de temps en temps, l'aspect enchanteur de la végétation et celui d'un fleuve immense aux eaux troubles, ses rivages bas et marécageux, tout concourt à procurer cette espèce d'amusement que donne la contemplation d'objets qu'on n'a jamais vus.

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La Nouvelle-Orléans ressemble à une ville de province de France, et elle est en effet une an cienne colonie française conquise sur les Espagnols. Les noms des rues sont français, et l'on y parle également le français et l'anglais. Le marché est beau et bien approvisionné.

Tous les produits du pays y sont conduits par la rivière. Nous fûmes ravis du chant par lequel les bateliers nègres régularisent et charment leurs travaux sur la rivière. Ce chant est composé de peu de notes, mais il est doux et harmonieux, et la voix des nègres est presque toujours puissante et sonore.

Les heures les plus agréables que je passai à la Nouvelle-Orléans furent celles où j'explorai la forêt qui est près de la ville avec mes enfans. Ce fut notre première promenade dans les forêts éternelles du Nouveau-Monde, nos pensées prirent tout à coup une teinte poétique. Les arbres sont en général trop rapprochés pour être gros et de belle venue, et leur crue est souvent arrêtée par une plante parasite pour laquelle je n'ai pu apprendre d'autre nom que celui de «< mousse espagnole. » Elle pend gracieusement aux branches, donnant ainsi, à tous les arbres auxquels elle s'attache, l'air de saules pleureurs. La principale beauté des forêts de ce pays est une espèce de petits palmiers qui est la plante la plus richement colorée et la plus gracieuse que je connaisse. Le Pawpaw est aussi un bel arbrisseau qui se trouve en grande abondance. Nous vîmes là, pour la première fois, la vigne sauvage que nous retrouvâmes plus tard en profusion dans toutes les parties de l'Amérique, ce qui naturellement nous fit naître la pensée que les natifs du pays devraient ajouter le vin aux nombreuses productions de leur sol fertile. Les festons pendans

qu'elle produit font de solides balançoires dont plusieurs personnes de notre société firent l'essai en dépit des inspirations poétiques dont j'ai parlé tout à l'heure.

Quoique l'hiver fût au milieu de son cours, lors de notre séjour à la Nouvelle-Orléans, la chaleur était plus qu'agréable, et les attaques des moustiques devenaient insupportables. Cependant je soupçonne que nous leur aurions pardonné pendant un certain temps, en faveur des oranges, des petits pois et du poivre rouge, que la même chaleur faisait croître à Noël en pleine terre. Dans une de nos courses, nous hasardâmes d'entrer dans un jardin dont la haie d'orangers attirait notre attention. Là nous vîmes des petits pois en parfaite maturité, et un petit champ de poivre rouge qui mûrissait au soleil. Une jeune négresse était occupée sur le pas de la porte. Sa qualité d'esclave captiva tout notre intérêt. C'était la première esclave à laquelle nous parlions, et chacun de nous ne croyait pas pouvoir lui adresser la parole avec assez de douceur. Elle pensait peu, pauvre fille! à la profonde sympathie que nous éprouvions pour elle. Elle nous

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