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facta saxa veut dire des rochers réellement fondus. L'académie de Naples, qui assurément ne peut que trop bien juger de la description d'un volcan, dans le compte qu'elle a publié de l'éruption du Vésuve, arrivée en 1737, applaudit justement à la justesse des expressions de Virgile, et relève durement la méprise du père Larue: Ex quibus manifestum est poetæ phrasim imperiti hominis temerario judicio in præposteram explicationem esse deductam.

73 Aussi la Macédoine a vu nos combattans

Une seconde fois s'égorger dans ses champs.

Virgile a dit :

Ergo inter sese paribus concurrere telis
Romanas acies iterum videre Philippi.

Ce passage a fort embarrassé les interprètes. Il faudrait des pages entières, je ne dis pas pour apprécier, mais pour rapporter les différentes opinions. Le père Larue est un de ceux qui ont discuté ce passage avec le plus de soin; mais son explication me paraît peu naturelle. Je crois que Virgile parle ici de deux batailles différentes, livrées dans deux endroits différens qui portaient le même nom; la première à Philippes, près de Pharsale en Thessalie; la seconde près d'une autre Philippes, sur les confins de la Thrace. Pour donner plus de clarté à cette interprétation, je crois qu'il est à propos de faire voir, 1o qu'il y avait deux Philippes auprès desquelles les deux batailles ont été livrées; 2o que ces deux villes étaient dans la Macédoine, autrement nommée Émathie; 3o que ces deux villes étaient au pied du mont Hémus.

La première de ces deux propositions servira à expliquer les deux premiers vers :

Ergo inter sese paribus concurrere telis
Romanas acies iterum videre Philippi.

La seconde fera comprendre ces deux autres :

Nec fuit indignum superis bis sanguine nostro
Emathiam et latos Hæmi pinguescere campos.

D'abord on convient généralement qu'il y avait une fameuse ville nommée Philippes sur les confins de la Thrace et de la Macédoine : elle fut dans son origine appelée Datum, ensuite Crenides, jusqu'à ce qu'elle fût nommée du nom de Philippe, père d'Alexandre. Outre cette ville célèbre, il y en avait une autre du même nom

en Thessalie, qui fut d'abord nommée Thèbes, et ensuite Philippopolis, et par contraction, Philippi, de Philippe, fils de Démétrius. Lucain désigne souvent la bataille de Pharsale par le mot de Philippi.

Video Pangaa nivosis

Cana jugis, latosque Hæmi sub rupe Philippos.

1o Stace donne indifféremment au poème de Lucain le nom de Pharsale ou de Philippes. Outre la fameuse ville de Philippes sur les confins de la Thrace, il y en avait donc encore une dans la Thessalie près de Pharsale; et la bataille où Pompée fut vaincu par César est aussi souvent désignée dans les auteurs grecs et latins par le nom de Philippes que par celui de Pharsale.

2o Il n'est pas plus difficile de prouver que les deux Philippes étaient dans la Macédoine, autrement appelée Émathie. Ce pays, comme beaucoup d'autres, a éprouvé plusieurs changemens, tant pour son nom que pour son étendue : il fut d'abord appelé Péonie, ensuite Émathie, et enfin Macédoine. L'Émathie ou la Péonie proprement dite, n'était qu'une petite partie de ce qu'on nomma ensuite la Macédoine; mais par la suite des temps le nom d'Émathie fut donné à toute la Macédoine, et ces deux mots signifièrent la même chose. Les prosateurs employaient le mot Macedonia, et les poètes, par une raison facile à deviner, celui d'Emathia. Il s'agit maintenant de montrer que les deux Philippes étaient dans cette province. Depuis qu'elle fut devenue tributaire des Romains, elle s'étendait à l'orient jusqu'au Nessus, et par conséquent renfermait Philippes de Thrace; au sud, elle comprenait toute la Thessalie, et par la même raison Philippes, voisine de Pharsale. Il n'y a que ceux qui s'en sont rapportés aux anciennes divisions de la Macédoine, pour qui ce passage a été inintelligible.

3o Enfin les deux Philippes étaient au pied du mont Hémus. Cette assertion parait d'abord contredire manifestement ce que je viens d'avancer; car, si les deux Philippes étaient aux deux extrémités de la Macédoine, comment pouvaient-elles être situées toutes deux au pied du mont Hémus, montagne de Thrace? D'abord l'une des deux était sur les confins de la Thrace, et par conséquent on peut la placer au pied de l'Hémus; mais prolonger l'Hémus jusqu'en Thessalie, il semble que c'est vouloir imiter en quelque sorte les géans, qui dans ce même pays transportaient l'Ossa et le Pélion l'un sur

l'autre. Cependant, à examiner la chose de près, elle paraît moins difficile à concevoir, Ne peut-on pas regarder le mont Hémus, non comme une seule montagne, mais comme une chaîne de montagnes? Il est bien vrai que la plus haute partie, ou, si l'on veut, la tête du mont Hémus, était dans la Thrace, ce qui a fait donner à une province de ce pays le nom d'Hamimontana; mais plusieurs autres montagnes, telles que le Rhodope, le Pangée, etc., peuvent être regardées comme des membres du même corps : c'est ainsi qu'on a donné à différentes parties des Alpes et de l'Apennin les noms de SaintGothard, Cenis, etc., quoique ces montagnes ne soient, pour ainsi dire, que des chaînons d'une même chaîne. Les Italiens appellent encore le mont Hémus Catena del mundo. Si je ne craignais d'alonger cette note, déjà trop diffuse, je pourrais citer plusieurs passages qui favorisent cette interprétation; je me contenterai d'un seul endroit de Lucain. A la fin du premier livre, il prédit que la bataille de Pharsale, qu'il désigne sous le nom de Philippes, sera livrée au pied du mont Hémus :

Latosque Hæmi sub rupe Philippos.

Enfin on sait que les anciens donnaient aux mots géographiques une grande extension: Dulichias rates signifie les vaisseaux de la Grèce, quoique Dulichium ne fût qu'une petite île.

74 Un jour le laboureur...

J'ai déjà fait remarquer dans le Discours préliminaire comment Virgile, dans cet épisode, ramenait adroitement l'agriculture, qu'il semblait avoir perdue de vue.

75 Et des soldats romains les ossemens rouler.

Il y a dans le texte :

Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulcris.

Je n'ai pu rendre ce mot grandia, qui, si l'on en croit les commentateurs, fait allusion à une opinion particulière des anciens : ils croyaient que les hommes dégénéraient de siècle en siècle. Voilà de ces expressions qui sont intraduisibles, 'parce qu'elles tiennent aux préjugés et aux opinions des anciens.

76

.....

Dieux paternels! ô dieux de mon pays!

Larue joint ensemble Dii patrii indigetes. Je crois qu'il se trompe.

Une foule d'exemples me fait penser que Virgile parle ici de deux sortes de dieux : dii patrii, les dieux du pays, les dieux tutélaires, les dieux pénates; dii indigetes, les hommes déifiés.

77 Ici le Rhin se trouble, et là mugit l'Euphrate.

Cet endroit des Géorgiques semble avoir été écrit dans le temps qu'Auguste et Antoine rassemblaient leurs forces pour cette guerre dont le succès fut décidé par la défaite d'Antoine et de Cléopâtre au promontoire d'Actium. Antoine tirait ses forces de la partie orientale de l'empire : c'est ce que Virgile désigne par l'Euphrate; Auguste tirait les siennes de la partie septentrionale : c'est ce qu'exprime Germania.

78 Ainsi, lorsqu'une fois lancés de la barrière...

Cette comparaison est une apologie adroite d'Auguste, qu'il suppose faire la guerre malgré lui, et comme entraîné par le torrent des évènemens.

NOTES

DU LIVRE II.

Et toi, de qui la main vint m'ouvrir la barrière.

J'ai rapproché dans le texte et dans ma traduction ces deux invocations, que d'habiles commentateurs ont cru avoir été mal à propos séparées.

Les uns, sans implorer des soins infructueux.

Il y a dans le texte, nullis hominum cogentibus, ipsæ sponie sua veniunt. Quelques commentateurs ont faussement accusé Virgile en cet endroit d'une erreur de physique. Virgile veut dire qu'il y a des arbres qui viennent, non pas sans semence, mais seulement sans avoir été semés de mains d'homme. Il est ridicule d'imaginer que Virgile et les Romains, qui vivaient si habituellement à la campagne, et qui observaient si bien la nature, aient méconnu les siliques du genêt, les chatons du saule, du peuplier, de l'osier, lesquels sont d'autant plus apparens, que les fleurs paraissent avant les feuilles, et ornent la nudité de l'arbre, avant qu'il ait recouvré sa verdure.

3 D'autres furent semés...

Il y a dans le texte, posito de semine. Le mot posito éclaircit ce que j'ai dit plus haut; il signifie une semence déposée, non par le hasard, mais par l'homme.

4 Ainsi le cerisier aime à voir sous son ombre

S'élever ses enfans...

Le cerisier était un arbre nouveau parmi les Romains du temps de Virgile. Pline nous apprend que Lucullus le transporta du Pont en Italie, après la défaite de Mithridate.

5 Tels, sans les soins de l'art, d'elle-même autrefois

La nature enfanta les vergers et les bois.

Virgile a marqué les trois manières naturelles dont les arbres peu

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