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sur un point quelconque de l'intestin, et qu'elle y a pris, comme dit Trousseau (1), droit de domicile, alors on a affaire à une maladie des plus graves et que rien ne peut guérir radicalement, ni même arrêter momentanément. Souvent elle est compliquée d'une affection tuberculeuse du péritoine ou d'une autre cachexie générale. Souvent aussi l'état d'amaigrissement et d'épuisement général est provoqué par une diarrhée rebelle et qui, pendant des années, a résisté à tous les traitements, soit que la cause de la maladie ait été méconnue, soit que les conditions hygiéniques n'aient pu être modifiées convenablement. Notre maître, Trousseau, nous a montré, dans ses admirables leçons cliniques, combien il est difficile de venir à bout d'une diarrhée chronique, et il cite, entre autres, l'histoire d'une femme qui entra dans son service pour une diarrhée opiniâtre qui persista pendant treize mois, se compliqua de lientérie, de gastralgie, de vomissements, et qui, après avoir résisté à une foule de remèdes, céda enfin au traitement mercuriel, aux bases de sublimé, parce que Trousseau attribua la maladie à la syphi lis; et ce n'est que vingt-trois mois seulement après l'entrée de la malade dans son service que la guérison complète put être obtenue.

Jules Simon (2), médecin de l'hôpital des Enfants, a publié des faits des plus remarquables de diarrhées chroniques datant de plus de vingt ans, que rien ne pouvait arrêter, qui menaçaient de faire succomber les malades, et qui guérissaient avec une extrême rapidité par le sulfate de quinine; il s'agissait là de diarrhées d'origine palustre. Il guérit aussi des diarrhées chroniques contractées dans les pays chauds, et datant de huit mois, avec de l'opium porté à des doses toxiques.

Ces faits, que je rapporte à dessein, prouvent jusqu'à l'évidence qu'une diarrhée chronique peut mettre la vie de l'individu en danger, en amenant l'anémie, l'émaciation générale, la perte de l'appétit, etc. Des perturbations aussi graves ne peuvent se produire dans notre organisation sans qu'il en résulte de temps en temps des troubles nerveux plus ou moins sérieux qui se tra

(1) Trousseau, t. III, p. 122.

(2) J. Simon, Notes pour servir à l'histoire de quelques diarrhées spécifiques (Archives générales de méd., 1870).

duisent, chez certains individus, par des troubles visuels particuliers, se présentant tantôt sous la forme d'une amblyopie · diarrhéique, tantôt sous la forme d'une rétinite périvasculaire exsudative.

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I. Amblyopie diarrhéique sans lésion. Cette affection est caractérisée par un trouble visuel très-prononcé dans les deux yeux, qui se déclare brusquement. La vue devient voilée, l'acuité visuelle diminue au point que les malades peuvent à peine distinguer les caractères n° 10 ou 20 de l'échelle typographique; le soir, la vue paraît reposée, les malades déclarent qu'ils voient mieux; mais c'est une pure illusion: ils voient moins de brouillard, parce qu'il fait plus sombre; mais ils ne distinguent pas mieux. Cette amblyopie reste ordinairement stationnaire pendant des mois entiers, sans aucun changement.

A l'examen ophthalmoscopique, on ne trouve rien de particulier; la papille et la rétine sont normales, quelquefois un peu pâles, anémiques.

J'ai rencontré cette forme d'amblyopie chez cinq de mes malades. Trois d'entre eux ont été guéris: l'un au bout de deux mois, l'autre au bout de six mois, le troisième au bout de huit mois. Chez les deux autres, je n'ai pas pu constater d'amélioration, l'un et l'autre ayant cessé de venir très-peu de temps après avoir commencé le traitement. C'est en guérissant la diarrhée que j'ai cherché à rétablir la vision, et cette médication a toujours été suivie d'un succès complet.

II. Rétinite périvasculaire. J'ai rencontré cette forme d'affection chez deux malades atteints de trouble visuel très-marqué avec diminution notable de l'acuité visuelle. La vision s'était affaiblie progressivement chez l'un après six ans, et chez l'autre après onze ans de diarrhée chronique qui n'a pu être guérie par aucun traitement. Soumis, au contraire, au régime convenable et à l'usage chez l'un de l'iodure de potassium à haute dose, et chez l'autre du nitrate d'argent administré sous forme de pilules et de lavements, la vue s'est sensiblement améliorée, et les taches exsudatives ont diminué d'étendue. La figure 1 de la planche XIX représente cette variété d'altération.

En résumé, l'influence des altérations intestinales chroniques sur la vision est beaucoup moins grave que celle des affections

gastriques. Les amblyopies qui en résultent ne sont que la conséquence d'un affaiblissement général de l'organisme et d'une sorte de chloro-anémie.

CHAPITRE II

TROUBLES VISUELS DANS LES MALADIES CÉRÉBRALES

Il existe certaines affections cérébrales dans lesquelles le sens de la vue ne prend aucune part, et où l'on ne trouve point d'altérations, ni du côté des nerfs optiques, ni du côté des nerfs moteurs. L'examen des yeux, dans ces cas, reste absolument négatif.

Mais dans un grand nombre d'autres affections de l'encéphale, les altérations de l'organe de la vue sont presque constantes et tellement caractéristiques, que, d'après les lésions oculaires, on peut reconnaître la nature de l'affection cérébrale elle-même.

L'étude de ces différentes altérations oculaires est intéressante, elle nous permet souvent de faire un diagnostic différentiel entre des affections très-diverses et qui, sans cette notion, seraient restées complétement méconnues. Le résultat négatif de même que la présence des symptômes oculaires n'auront de valeur séméiologique, qu'autant qu'ils seront corroborés par d'autres symptômes rationnels de la maladie. C'est donc à cette intéressante étude que nous allons consacrer ce chapitre, et nous aurons surtout à examiner les méningites, les tumeurs cérébrales, les apoplexies des méninges et du cerveau, le ramollissement cérébral, les aphasies, les scléroses en plaques et l'ataxie locomotrice.

§ 1er. Altérations oculaires dans les méningites.

La méningite se présente ordinairement sous des formes trèsvariées, et au point de vue anatomo-pathologique on distingue des méningites tuberculeuses, rhumatismales, des pachyménin

gites, etc., etc. La méningite simple et rhumatismale se rencontre habituellement chez les adultes, et s'étend surtout à la convexité des hémisphères, où elle peut être limitée, d'après Andral, à un seul lobe cérébral, au cervelet, ou à une partie circonscrite de ces surfaces. Cette affection occupe, au contraire, très-rarement la base du cerveau.

Il n'en est pas de même de la méningite tuberculeuse; celle-ci se rencontre, comme on sait, de préférence chez les enfants, et d'après Rilliet et Barthez, c'est dans la période de 3 à 8 ans, que l'affection a lieu le plus habituellement. Elle occupe, dans l'immense majorité des cas, la base du cerveau, dans le voisinage de la selle turcique et du rocher. On comprend, dès lors, que l'inflammation des méninges à la base du cerveau, et près du chiasma des nerfs optiques, puisse amener des accidents inflammatoires dans la substance propre des nerfs optiques et se propager même jusqu'à la papille.

L'examen ophthalmoscopique fait dans ces circonstances permettra de constater une névrite optique sans ou avec apoplexies. Cette même inflammation méningée s'étend à d'autres nerfs crâniens et amène des paralysies.

C'est ainsi qu'on rencontre du côté des yeux des névrites optiques, des paralysies des nerfs oculo-moteurs, des mydriases et des ulcères de la cornée.

I. Névrite et périnévrite optiques. La névrite optique qui accompagne la méningite, sera d'une valeur considérable pour le diagnostic de la maladie cérébrale elle-même.

Elle est caractérisée, comme nous l'avons vu plus haut, par une infiltration séreuse péripapillaire, limitée à une zone qui ne dépasse pas un demi-diamètre autour de la papille (Voyez la figure 4 de la planche XII). Celle-ci, au début, est rouge, injectée; les vaisseaux sont engorgés et, par places, recouverts d'une exsudation, surtout au pourtour de la papille. Peu à peu, cette infiltration augmente et étrangle la papille, les vaisseaux se rétrécissent et disparaissent, et, si la maladie persiste, il en résulte forcément, au bout de quelque temps, une atrophie des papilles. Cette névrite n'est pas le résultat, comme on l'a dit à tort, d'un épanchement séreux entre les deux gaînes du nerf optique, mais elle est, au contraire, la conséquence naturelle de la propagation

de l'inflammation le long des méninges à la gaîne intime et à la substance propre du nerf optique. L'étranglement des artères rétiniennes et les dilatations variqueuses des veines, amènent souvent la rupture des capillaires, rupture suivie bientôt de l'apparition de taches hémorrhagiques plus ou moins nombreuses, soit sur la papille elle-même, soit sur les différentes parties de la rétine. Quelquefois on trouve des taches exsudatives dans la région de la macula, semblables à celles de la rétinite albuminurique, et qui se résorbent, au bout de quelque temps, sans laisser de traces.

L'existence d'une névrite optique binoculaire doit nécessairement faire penser à une méningite basilaire, qu'elle soit de nature tuberculeuse, rhumatismale, syphilitique ou typhoïde. Mais nous devons déclarer, d'autre part, que, contrairement à l'opinion de M. Bouchut, toutes les méningites ne sont pas accompagnées de névrite optique. Un certain nombre, en effet, n'atteignent pas la base du cerveau, ce qui fait que l'on ne trouve, à l'ophthalmoscope, aucune trace d'altération rétinienne.

A l'appui de cette assertion, nous pourrions rapporter des centaines de cas de méningites observés par nous dans les hôpitaux de Paris. Nous n'en citerons que quelques-uns parmi les plus marquants.

Un malade du service de Trousseau à l'Hôtel-Dieu (salle Sainte-Jeanne), est atteint d'une méningite rhumatismale aiguë en 1865; les articulations devenues libres, la maladie s'était portée en entier aux membranes du cerveau et à la plèvre. Il y avait de la fièvre très-intense, de l'agitation, du délire, de l'insomnie, de la céphalalgie. L'ophthalmoscope n'avait révélé aucune lésion. A l'autopsie on a trouvé une pachyméningite, avec épanchement séreux sous-arachnoïdien à la surface des hémisphères, et rien à la base.

Un enfant du service de Grisolle à l'Hôtel-Dieu est atteint, à la même époque, d'une méningite à forme très-irrégulière; la symptomatologie est tellement inégale, que le diagnostic est trèsdifficile et que le malade est proposé, pour cette raison, comme sujet de concours pour les hôpitaux. L'ophthalmoscope ne nous a dévoilé aucune altération, ainsi que cela a pu être constaté par le professeur Grisolle et par le docteur Liouville, alors chef de

GALEZOWSKI.

Ophthalmoscopie.,

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