Imagens das páginas
PDF
ePub

Dans l'opinion de Cuvier, ces différences et ces ressemblances des membres, ainsi que celles des autres parties dites homologues, sont déterminées, non par la loi des répétitions, mais par la grande et universelle loi des concordances physiologiques ou de la convenance des moyens avec le but.

[ocr errors]

En formulant cette objection, l'auteur des Leçons d'anatomie comparée n'envisageait la question que sous un de ses points de vue, et il négligeait d'en saisir l'ensemble. La loi des concordances physiologiques, qui nous fait comprendre la convenance des moyens employés par la nature, avec le but qu'elle se propose, ne contredit pas la loi des répétitions, qui cherche, de son côté, quelle est l'origine des matériaux ainsi mis en œuvre et quelle en est le véritable caractère. En y réfléchissant davantage, on ne tarde pas à voir que ces deux lois se confirment réciproquement, bien plutôt qu'elles ne s'excluent.

Qui voudrait nier, par exemple, que les organes de l'homme ne soient, comme ceux des animaux ou des végétaux, appropriés aux fonctions que ces êtres doivent remplir; mais qui donc pourrait prouver que la nature ne varie pas ses effets, en répétant les instruments dont elle dispose?

Pourquoi donc alors ne pas chercher les rapports que ces instruments peuvent avoir les uns avec les autres, chacun dans son propre genre, et en dehors de l'usage spécial auquel ils sont individuellement affectés ou des formes par lesquelles ils sont appropriés à ces usages ? Les vertè

bres dorsales, quoique multiples, ne sont-elles pas, pour Cuvier comme pour tous les anatomistes, des vertèbres au même titre que celles des lombes ou de la région cervicale, c'est-à-dire la répétition, sous des formes plus ou moins variées, d'une seule et même sorte d'organes, que nous pouvons retrouver ailleurs absolument identiques entre eux, comme cela se voit en effet chez les serpents?

Et si tout le monde est d'accord aujourd'hui pour voir dans le sacrum une réunion de vertèbres, aussi bien que dans la colonne dorsale d'un oiseau ou dans les pièces également soudées entre elles qui soutiennent le cou d'un cétacé, pourquoi ne rechercherait-on pas si la tête, qui n'est en définitive qu'un prolongement modifié du tronc, ne résulte pas elle-même de l'association d'éléments comparables à ceux dont celui-ci est formé, mais qui se seront métamorphosés en vue d'une autre fonction?

C'est par un raisonnement analogue que les botanistes ont été conduits à voir dans les appendices plus ou moins diversiformes qui composent la fleur des végétaux, des parties de même ordre que certaines autres, ayant sur d'autres points du végétal la forme de feuilles ou celles de bractées, de stipules, de cotylédons, etc. Ce que les botanistes appellent des métamorphoses, les zoologistes le désignent par le nom de transformations d'organes homologues, ou par celui d'homologues organiques. Linné, Wolf, Goethe, de Candolle, M. Dunal, et beaucoup d'autres après eux, en ont formulé la théorie pour ce qui regarde les végétaux. On peut dire, à la gloire des

anatomistes français, que c'est l'un d'entre eux, Vicq d'Azyr, qui a le premier fait en zoologie, et il y a de cela plus d'un siècle, des remarques du même ordre.

Il résulte des considérations préliminaires qu'on vient de lire, que parmi les principes fondamentaux qui guident maintenant les anatomistes dans leurs savantes recherches, il en est deux qui, bien que contestés par certains auteurs en renom, méritent cependant une attention toute particulière, et cela à cause de l'importance des découvertes auxquelles ils ont conduit ou peuvent conduire encore. Ces deux principes, dont nous aurons fréquemment l'occasion de faire des applications dans ce travail, ont pour objet, le premier la recherche des organes homologues, et le second celle des organes analogues'.

Ils nous montrent comment les différentes parties dont chaque espèce est formée, résultent de la combinaison, dans des proportions plus ou moins variées, des mêmes éléments histologiques; comment ces parties, quoique très-différentes les unes des autres, surtout chez les animaux supérieurs, peuvent être ramenées à un petit nombre de genres; comment on les retrouve avec des formes plus ou moins semblables et dans un état plus ou moins com

1 Tout en étant d'accord sur ces principes et sur leur valeur, plusieurs anatomistes les indiquent par des noms différents, ou bien ils transposent les sens des dénominations sous lesquelles nous les indiquons ici. C'est une différence dans les mots plutôt qu'une différence dans le idées; il nous suffira de l'avoir signalée. Des détails plus étendus sur ce point seraient sans utilité pour le but que nous nous proposons.

parable, chez les espèces inférieures d'une classe donnée ; comment, enfin, certains organes, en se modifiant dans les diverses espèces d'un même type, prennent des formes différentes lorsqu'ils servent à d'autres fonctions.

Ces notions générales, qui sont indispensables à la philosophie de la science, ne sont pas inutiles dans la pratique, et quoique nous soyons encore assez loin de pouvoir, comme l'aurait désiré Cuvier, « constater l'étendue du cercle dans lequel elles sont vraies,» nous ne devons pas pour cela négliger d'y avoir recours. Il faut éviter, comme le voulait aussi ce célèbre observateur, de généraliser sans examen; mais il ne faut pas moins se garder d'examiner sans chercher à généraliser.

Les détails dont l'observation sert de base à la science, sont infinis, et ce n'est qu'en jugeant des rapports qu'ils ont entre eux que nous pouvons espérer de tirer quelque profit de leur étude. Agir autrement, ce serait s'exposer à faire perdre à l'histoire naturelle les brillantes qualités qu'elle doit au génie de Buffon, ainsi qu'aux patientes recherches des hommes éminents dont nous allons exposer les travaux.

Nous aurons plus d'une fois l'occasion d'en voir la preuve, en traitant, dans les pages qu'on va lire, les problèmes sans nombre que soulève l'étude raisonnée du squelette humain. C'est là ce qui nous a décidé à insister, dans ce premier chapitre, sur les principes féconds auxquels l'ostéologie doit des découvertes à la fois si curieuses et si inattendues.

CHAPITRE II.

REMARQUES EMBRYOGÉNIQUES ET PALÉONTOLOGIQUES SUR LE SQUELETTE ÉTATS DIVERS SOUS LESQUELS IL SE PRÉSENTE.

Quoique le squelette n'ait, dans l'économie, qu'un rôle purement passif, son étude n'en a pas moins une très-grande importance. La structure et la disposition particulière des éléments organiques qui le composent, la multiplicité des pièces qu'on y distingue, les variations que ces pièces elles-mêmes éprouvent dans leur nombre où dans leur forme, suivant la série des âges, ne sont pas moins curieuses à observer que leurs usages dans la protection des viscères et dans la locomotion musculaire. Les os jouissent d'ailleurs de la propriété de se conserver plus facilement qu'aucune autre de nos parties, et les caractères qu'ils présentent dans la série des espèces animales sont assez faciles à saisir pour que nous puissions les employer dans nos diagnoses scientifiques.

Il n'y a de véritables os que chez les animaux vertébrés. Aucune des pièces dures propres aux invertébrés n'a encore montré une structure analogue à celle de ces organes, et, dans chaque espèce vertébrée, ils offrent habituellement quelques particularités de forme, par lesquelles ils traduisent assez complètement les caractères

« AnteriorContinuar »