Imagens das páginas
PDF
ePub

santes, s'il n'est en garde contre les écarts de régime, contre les excès d'étude, contre l'emportement des passions? L'expérience a montré que les rechutes ont lieu souvent par le développement simultané de causes physiques et morales. Il faut combattre avec énergie ces causes dès qu'elles se manifestent, sans attendre l'explosion du délire. Un émétique, des purgatifs donnés à propos, font avorter un accès de folie. Des sangsues, des saignées au moindre désordre menstruel, préviennent l'accès qui eût éclaté. La disparition d'une dartre, de la goutte, d'un rhumatisme, d'une évacuation habituelle, a précédé un premier accès dé folie; il faut être averti contre ces métastases, contre ces suppressions. Ce que je dis pour les précautions que réclame l'état physique de ceux qui ont été aliénés, est également vrai pour l'état moral. Un homme est colère, il retombera s'il n'usc de toute sa raison pour vaincre cette passion; un autre a perdu la raison après des chagrins domesti− ques, on doit les lui épargner; celui-ci reste dans un état imminent de rechute, s'il ne réforme pas sa conduite et s'il s'abandonne aux excès qui ont précédé son premier accès. C'est pour avoir manqué de prévoyance que la folie est si souvent héréditaire; c'est pour être impru dentes que les personnes qui ont eu un accès de folic,

sont sujettes au retour de la même maladie.

II.

DES HALLUCINATIONS.

(1817.)

Un homme qui a la conviction intime d'une sensation actuellement perçue, alors que nul objet extérieur propre à exciter cette sensation n'est à portée de ses sens, est dans un état d'hallucination: c'est un visionnaire.

Sauvages a donné le nom d'hallucination aux erreurs d'un homme qui, ayant une lésion des sens, no perçoit plus les sensations comme il les percevait avant cette lésion. La berlue, la bévue, le tintoin, sont rangés, par ce nosologiste, dans le premier ordre de la classe des folies; mais les autres sens, mais le raisonnement, pouvant rectifier ces illusions, ces erreurs, les phénomènes dont il s'agit ne doivent pas être confondus avec le délire.

Sagar appelle hallucinations les fausses perceptions qui forment le premier ordre des vésanies de sa Nosologie. Linnæus les fait entrer dans l'ordre des maladies de l'imagination (imaginarii). Cullen les range parmi les maladies locales.

Darwin, et depuis les médecins anglais, ont donné le nom d'hallucination au délire partiel qui n'affecte

qu'un sens, et ils l'emploient néanmoins indifféremment comme synonyme de délire.

Ce symptôme du délire a été confondu par tous les auteurs, avec des lésions locales des sens, avec l'association vicieuse des idées, enfin avec les effets de l'imagination. Il n'a été étudié que lorsqu'il a pour objet les idées qui semblent appartenir à la vue, et nullement lorsqu'il reproduit des idées appartenant aux autres sens. Néanmoins considéré dans toutes ses variétés à quelque sens qu'il paraisse appartenir, ce symptôme est très fréquent; il est un des élémens de la folie et peut se rencontrer dans toutes les variétés de cette maladie.

Les livres ascétiques de tous les peuples, l'histoire de la magie, de la sorcellerie de tous les âges, les fastes de la médecine mentale, fournissent des faits nombreux d'hallucination; j'en ai moi-même recueilli et publié un grand nombre. Les observations suivantes montrent les hallucinations, aussi isolées que possible, des autres symptômes de la folie.

M. N., âgé de 51 ans, d'un tempérament biliososanguin, ayant la tête grosse, le cou court et la face colorée, était préfet, en 1812, d'une grande ville d'Allemagne; qui s'insurgea contre l'arrière-garde de l'armée française en retraite. Le désordre qui résulta de ces évènemens, la responsabilité qui pesait sur le préfet, bouleversèrent la tête de celui-ci; il se crut accusé de haute trahison, et, par conséquent, déshonoré. Dans cet état, il se coupe la gorge avec un rasoir; dès qu'il a repris ses sens, il entend des voix qui l'accusent; guéri de sa blessure, il entend les mêmes voix, se persuade qu'il

est entouré d'espions, se croit dénoncé par ses domestiques. Ces voix lui répètent nuit et jour qu'il a trahi son devoir, qu'il est déshonoré, qu'il n'a rien de mieux à faire qu'à se tuer elles se servent tour-àtour de toutes les langues de l'Europe, qui sont familières au malade: une seule de ces voix est entendue moins distinctement, parce qu'elle emprunte l'idiôme russe, que M. N. parle moins facilement que les autres. Au travers de ces différentes voix, le malade distingue très bien celle d'une dame qui lui répète de prendre courage et d'avoir confiance. Souvent M. N. se met à l'écart pour mieux écouter et pour mieux entendre; il questionne, il répond, il provoque, il défie, il se met en colère, s'adressant aux personnes qu'il croit lui parler : il est convaincu que ses ennemis, à l'aide de moyens divers, peuvent deviner ses plus intimes pensées, et faire arriver jusqu'à lui les reproches, les menaces, les avis sinistres dont ils l'accablent; du reste, il raisonne parfaitement juste, toutes ses facultés intellectuelles sont d'une intégrité parfaite. Il suit la conversation sur divers sujets avec le même esprit, le même savoir, la même facilité qu'avant sa maladie.

Rentré dans son pays, M. N. passe l'été de 1812 dans un château, il y reçoit beaucoup de monde; si fla conversation l'intéresse, il n'entend plus les voix; si elle languit, il les entend imparfaitement', et quitte la société, se met à l'écart pour mieux entendre ce que disent ces perfides voix; il devient alors inquiet et soucieux. L'automne suivant, il vient à Paris, les mêmes symptômes l'obsèdent pendant sa route, et s'exas

pèrent après son arrivée. Les voix lui répètent : « Tuetoi, tu ne peux survivre à ton déshonneur........ Non, non! répond le malade, je saurai terminer mon existence lorsque j'aurai été justifié; je ne léguerai pas une mémoire déshonorée à ma fille ». Il se rend chez le ministre de la police (Réal), qui l'accueille avec bienveillance, et cherche à le rassurer; mais à peine dans les voix l'obsèdent de nouveau.

la

rue,

Je suis invité à me rendre auprès du malade : je le trouve se promenant dans la cour de l'hôtel où il était logé avec sa fille unique. Sa figure était colorée, le teint jaune, le maintien inquiet, les yeux étaient hagards. Je fus reçu avec politesse; je n'obtins à toutes mes questions d'autre réponse que celle-ci :« Je ne suis point malade». Le lendemain même réception... Il me dit : « Je n'ai besoin ni de médecin, ni d'espion.» Agitation le reste de la journée. M. N... conduit sa fille, âgée de 15 ans, chez un de ses amis; le soir inquiétude plus grande, exaspération, insomnie, soif, constipation. Le jour suivant, M. N... se rend de bonne heure à la préfecture de police, où il déclare qu'il vient de mettre sa fille en pension, qu'il ne cédera point aux ennemis acharnés qui l'excitent à se tuer avant de s'être pleinement justifié, qu'il vient se constituer prisonnier, qu'il doit être jugé incessamment. Le même jour le malade est confié à mes

soins.

Pendant plus d'un mois, M. N... reste sans sortir de son appartement, ne dormant point, mangeant très peu, ne voulant recevoir personne, et se promenant à grands pas, comme un homme soucieux, inquiet. Lui

« AnteriorContinuar »