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Traitée à l'Hôtel-Dieu, et par plusieurs médecins, rien ne put calmer son imagination terrifiée.

A l'âge de 36 ans, lors de son entrée dans l'hospice, elle était très maigre, restait souvent couchée, était menstruée régulièrement, mangeait beaucoup, s'accusait d'avoir commis divers crimes, voulait être crucifiée : elle fit quelques tentatives pour se détruire. Bientôt on s'aperçut qu'elle se livrait à la masturbation.

Tous les hivers, D... avait des catarrhes très intenses, pour lesquels elle passait plusieurs mois à l'infirmerie.

39 ans. Elle parut délivrée de sa terreur religieuse, et parlait des choses saintes sans effroi. Elle avait plus de suite dans ses raisonnemens; mais son caractère devint insupportable. Elle se plaignait de tout, était mécontente de tout, accusant les personnes qui la servaient de négligence ou de mauvais traitemens; elle injuriait tout le monde, tracassait ses compagues, leur donnait de mauvais conseils, etc.

40 ans. Pendant l'hiver les menstrues cessent; depuis, la toux a été continue, la malade a dépéri sensiblement; elle a fréquemment le dévoiement.

41 ans, octobre 1811; entrée à l'infirmerie; maigreur, toux, crachats, fièvre, caprices pour sa manière de se nourrir; faiblesse, sueurs nocturnes. Cette femme ne déraisonne point, mais elle est triste, taciturne et très irritable.

5 janvier 1812: dévoiement séreux, fétide, crachats purulens, toux très douloureuse, œdème des pieds. 15, faiblesse extrême, altération des traits de la face; pa

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roxysmes tous les soirs. 18, impossibilité de prendre des alimens solides; D... soutient ses forces avec un peu de bouillon et de vin crachats et déjections alvines très abondans et très fétides. 24, cessation du dévoiement, suppression des crachats, dyspnée; le soir elle sent sa dernière heure approcher: elle souhaite le bonsoir à la fille de service, et s'éteint. 25, ouverture du corps.

Cheveux noirs, marasme; crâne mince éburné ; ligne médiane divisant inégalement les deux moitiés du crâne. Meninges très injectées : sérosité entre la pie-mère et l'arachnoïde; sérosité rougeâtre à la base du crâne, ainsi que dans les deux ventricules latéraux, dont les parois adhèrent postérieurement.

Poumons adhérens aux plèvres costales, contenant des tubercules, dont un grand nombre sont en suppuration.

Glandes mésentériques développées; plusieurs réduites en une substance puriforme. Colon transverse s'étendant vers le pubis. Foie mou et gras, vésicule contenant de la bile très brune. Rate adhérente au diaphragme. Plusieurs ulcérations de la muqueuse des intestins.

M..., âgé de 43 ans, d'une taille athlétique, d'un tempérament sanguin, s'était livré, dès sa première jeunesse, à une ambition effrénée.

Il avait occupé des places très importantes; mais, depuis quelque temps, il ne remplissait qu'un poste secondaire ce désappointement le rendit triste sans diminuer ses prétentions; son caractère changea; il devint colère, d'un commerce difficile; il se livra à des écarts de conduite dont la publicité le compromirent;

il s'irrita contre les conseils de ses parens, de ses amis; enfin, sa conduite était celle d'un maniaque, quoiqu'il n'y eût pas de délire dans ses discours.

Dès qu'on voulut s'opposer à cette conduite, il devint furieux et dangereux pour tous ceux qui l'approchaient, même pour sa famille.

Il fut confié à mes soins. M... avait la taille élevée, la face colorée, les yeux injectés, brilians, il avait de la loquacité, poussait des cris, faisait des menaces, disait des injures: il se dit roi, et exige les égards dus à la royauté; il traite avec dédain tous ceux qu'il rencontre. Ces prétentions délirantes deviennent à chaque instant la cause de nouvelles irritations, de nouvelles contrariétés, de nouveaux éclats de fureur. Insomnie, soif, constipation. Il est facile de s'apercevoir que le malade a, par instans, quelque difficulté pour articuler les sons. Sangsues à l'anus, aux tempes, renouvelées; boissons acidulées; bains tièdes prolongés.

Après deux mois, on donne des douches d'eau froide sur la tête, pendant que le malade a le corps plongé dans l'eau tiède; le calme se rétablit peu-à-peu; il a des instans lucides; mais toujours même conviction d'être un grand personnage.

Après cinq mois, le malade prend de l'embonpoint, la paralysie de la langue se prononce davantage; le calme est parfait; le sommeil et l'appétit sont excellens, mais les idées de grandeur persistent.

Peu-à-peu le malade prend un très grand embonpoint; il marche avec difficulté, a beaucoup de peine pour faire entendre ce qu'il veut dire; sa mémoire

s'affaiblit, particulièrement celle des choses présentes. On applique un large vésicatoire à la nuque, puis un séton; la valériane, le quinquina, les drastiques, sont alternativement administrés. ́

Après quinze mois de maladie, une apoplexie foudroyante termine l'existence du malade.

Le tissu cellulaire est surchargé de graisse. Les tégumens de la tête sont très injectés, ainsi que les meinbranes du cerveau, qui est dense. Le foie est gras, volumineux. Les intestins sont distendus par des gaz;

il

y a des trichurides dans le cœcum. Le colon transverse, devenu perpendiculaire, est caché derrière le pubis par son extrémité splénique.

Les faits rapportés ci-dessus offrent un phénomène pathologique qui n'a point encore été signalé.

Les anciens et les modernes qui ont traité de l'aliénation mentale, et particulièrement de la mélancolie, ont tous parlé des lésions des viscères abdominaux : aucun auteur n'a parlé du déplacement du colon transverse. Cependant on trouve souvent, dans les ca davres des aliénés, cet intestin déplacé. Tantôt sa direction est oblique, tantôt elle est perpendiculaire, en sorte que son extrémité gauche se porte derrière le pubis. Quelquefois le colon transverse descend en forme d'arc au dessous du pubis et jusque dans la cavité pelvienne. Ce déplacement ne peut être attribué à une action mécanique dépendante de l'épaississement des parois du colon, ou de l'accumulation des matières dans son intérieur; car, dans le plus grand nombre des sujets que j'ai ouverts, le colon était vide; chez tous ses

membranes étaient saines. Il en est de même des portions ascendante et descendante du colon, qui, par leur traction, pourraient entraîner la portion transverse. Ce déplacement n'est point l'effet de la dernière maladie à laquelle succombent les aliénés; car ce phénomène s'observe chez des individus qui ont succombé à la suite de différentes maladies.

Les aliénés, particulièrement les mélancoliques, chez lesquels on observe ce déplacement du colon transverse, se plaignent souvent de douleurs épigastriques; ils disent ressentir une douleur semblable à celle que ferait éprouver un lien qui ceindrait le corps à la hauteur des hypochondres, les déjections se font généralement mal. Ces symptômes ne trouvent-ils pas leur explication dans le déplacement du colon?

Les anciens, en donnant l'ellébore, les modernes en prescrivant les émétiques, les drastiques, dans le traitement des aliénations mentales, et surtout dans la mélancolie, tout en évacuant, n'ont-ils pas eu pour but de redonner du ton à tous les viscères de l'abdomen? Les laxatifs ne sont-ils point regardés comme funestes, parce qu'ils augmentent le relâchement? aussi a-t-on le plus grand soin de les associer avec les toniques. Enfin les voyages de mer, l'exercice du cheval si utiles dans la mélancolie, n'agissent-ils point en fortifiant particulièrement les viscères abdominaux?

La connaissance de ces faits m'a paru intéressante 1o, parce que le déplacement du colon est fréquent chez les aliénés, particulièrement chez les mélancoliques; 2° parce que cette connaissance peut rendre plus

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