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La polygénie vient de l'antiquité. Les Grecs s'arrogèrent le droit de choisir et de conserver plusieurs femmes. Le modèle antique de la sagesse humaine, Socrate, fut bigame : deux femmes pour un sage, c'est trop. Les Romains avaient le triste privilége de la polygénie. La débauche entraînant l'énervement de ce peuple guerrier, Numa Pompilius apporta une loi pour restreindre la pluralité des femmes. Ressource des cœurs gâtés, le divorce fut inconnu à Rome pendant la république. Les rois de France de la première race étaient polygames: Gontran eut pour femmes légitimes Vénérande, Ostrégile et Mercatrude; Cherebert eut Marcovèse, Théodégile et Mérostède. Un historien, un peu suspect à l'endroit de la religion, prétend que le pape Grégoire II, interrogé par Boniface, apôtre d'Allemagne, pour savoir dans quel cas un mari est libre d'avoir deux femmes, répondit que la bigamie semble permise en cas de stérilité, parce que le mariage a été institué en vue de favoriser l'accroissement de la population; mais à la condition formelle de conserver, d'entretenir et de bien soigner la première femme.

La vie des patriarches justifierait, s'il le fallait, l'opinion du chef de l'Église: ils ont tous été polygames. Souche de la tige de Noé et fils d'Adam, le patriarche Seth posséda plusieurs femmes. Abraham eut Sarah, sa servante Agar et Cethura. Lameth fut marié en même temps à Tsilia ou Stella, et avec Ada ou Hada. La pluralité des femmes prévalut dans la nation juive; Loth prit trois femmes; Jacob, quatre; David, plus de dix; mais Salomon qui en fut puni, déploya un luxe effréné, digne du voluptueux Sardanapale; il ajouta trois cents concubines à ses sept femmes légitimes. Moïse a toléré la polygamie aux Hébreux qui avaient trouvé cet usage chez les Égyptiens, parce qu'elle n'était pas contraire à l'intérêt général pendant la guerre; mais il apporte des lois de restriction pour affaiblir cette vicieuse coutume.

Les Manichéens et plus tard le réformateur Calvin ont vertement blåmé les patriarches polygames, comme ayant enfreint la loi naturelle. Les théologiens hors de la méthode ordinaire de l'école, imaginèrent de dire que Dieu dispensa

les patriarches de sa loi erreurs de toutes parts, les premiers ont confondu l'ordre naturel avec une loi divine, les seconds oublient qu'il n'y a pas besoin de dispense quand il n'y a pas de loi.

Une des grandes preuves de la création se manifeste à l'origine de la sociabilité, lors de la formation de la famille patriarcale. Chacun des chefs de ces premières sociétés avait intérêt à l'augmentation rapide du nombre de ses membres pour cultiver la terre, pour garder les troupeaux et se défendre en commun contre l'agression des animaux féroces. La famille isolée, primitive, n'a donc rien de commun avec l'état social actuel, assemblage de beaucoup de familles. Il fallait peupler la terre: c'est le seul ordre de Dieu: « Croissez, multipliez, couvrez la face de la terre, usez de ses productions. » L'intérêt domestique composait alors l'intérêt général de l'humanité. Salus populi suprema lex esto: telle est la loi supérieure encore au serment arraché par ruse au Pouvoir.

Originairement monogame l'homme s'est rendu polygame, non pas à l'exemple des patriarches pour multiplier l'espèce d'après le but final de la création, mais pour se livrer à une lubricité effrénée et satisfaire des sentiments de luxe et d'orgueil. Lorsque la passion, œuvre de l'instinct, étouffe la raison, œuvre de l'intellect, l'homme se dégrade en se rapprochant de l'animal. Que l'âme l'emporte sur les sens, alors la sensibilité, force inhérente à la matière organique, s'efface devant l'intelligence, partie la plus noble de l'être, façonnée à l'image du Créateur: alors le progrès social brille de tout son éclat. Instruits de l'expérience des siècles, éclairés surtout par les lumières du Christianisme, les peuples avancés en civilisation retournent au couple humain, d'institution divine. Nous ne sentons jamais tant la puissance de Dieu que lorsqu'elle nous manque. Les écarts de l'homme dans sa marche vacillante sont autant de leçons données à ses projets, à sa nature rebelle. Les vérités premières restent dans une ombre impénétrable la vérité révélée, lambeau détaché de la Préscience, nous arrive après une longue suite d'épreuves et d'erreurs.

Des peuples entiers sont encore réfractaires au progrès et à l'observation; ils demeurent polygames; tels sont les Cafres (Levaillant), les naturels des îles Maldives (Pyrard), et de toute la Polynésie, les Japonais, les Javanais, etc. Les Malais sont indifféremment monogames et polygames. En Chine la femme étant toujours un objet de trafic, le mari est libre de la vendre, de la prêter et de la louer. La liberté du mariage, en Géorgie, compose un singulier assemblage de monogamie et de divorce: celui des deux époux qui se plaint le premier reçoit du seigneur de l'endroit un autre associé; quand la plainte vient de la femme elle reste libre, autrement elle est vendue.

La constitution sociale retourne quelquefois au principe des mœurs primitives. L'héritage des parents n'est point partagé en Esclavonie: les enfants quoique mariés à des étrangers vivent tous ensemble; ils choisissent le plus capable pour diriger les affaires de la communauté. La femme dont la supériorité est reconnue gouverne le ménage. Plongés dans cet état de communisme, les Sclavons deviennent indolents, rusés, vindicatifs et ignorants: ils sont polygames. Il semble que l'énergie du chef suffise à la direction de ce petit groupe humain, et qu'elle paralyse le zèle et affaiblisse les facultés intellectuelles des autres membres de l'association, tous privés d'initiative principale.

2e Rameau: Polyandrie. La femme à son tour, et par une inversion monstrueuse du principe naturel, prend ou reçoit plusieurs maris.

Au Thibet, selon Turner, le frère aîné s'unit à une femme qui devient commune aux autres frères. Autorité digne de foi, Pallas, nous assure que cette union illicite est tolérée et particulière à quelques familles. Dans la caste des Nairs, au Malabar, la femme, au rapport de Tachard, à raison du privilége de la noblesse, est libre de choisir plusieurs hommes, mais l'homme, quand il choisit, ne doit prendre qu'une seule femme. Les Cingalais ont adopté deux modes d'alliance; ils sont polyandres comme au Thibet, une femme est commune à plusieurs frères : ou bien un homme a plusieurs femmes,

il se rend polygine. Des mœurs aussi dissolues brisent le lien social ou la véritable famille: c'est pourquoi à l'ile de Ceylan, Vesdin affirme que le commerce des deux sexes paraît de moindre importance que la vente des substances alimentaires.

La gynécocratie se rencontre encore à Boutan, à Calicut, etc.: la femme usurpe l'autorité et commande (1). Cependant les hommes sont-ils véritablement les serviteurs dévoués à la volonté féminine? Leprevost certifie la vérité du fait, quant aux naturels des îles Mariannes. La transposition du pouvoir de l'un à l'autre sexe est fortement contestée: aucun auteur grave ne veut reconnaître ou admettre la femme comme chef de la famille. On accuse, à ce sujet, d'erreur, de mensonge ou d'extravagance, le récit des voyageurs. L'homme est trop fier de sa force, trop violent en amour, trop législateur de sa nature pour avoir abdiqué tous ses droits à la femme. Un harem d'hommes est une police si bizarre, si contraire à la raison, qu'il convient par prudence d'ajourner cette partie de l'histoire naturelle; jamais dans leurs expéditions scientifiques les de Humboldt, les Bougainville, les Delalande (2) n'ont cité de semblables anomalies à la constitution sociale.

3o La Pantagénie est le rameau véreux, complétement pourri de la branche polygame. L'homme policé l'appelle la

(1) Des naturalistes refusent toute croyance à la gloire et même à l'existence des Amazones, femmes guerrières adonnées jadis aux combats en Asie (Hippocrate), en Afrique (Diodore de Sicile), en Amérique (Ulloa, Lacondamine). Cependant la garde du trône de Siam est encore confiée à des femmes belliqueuses. De pareilles héroïnes, en courtes jupes, sont organisées en bataillons de guerre à Bantam, en Guinée, à Java. L'héroïsme ne tient pas au sexe: Jeanne d'Arc peut recevoir la devise de Bayard, vires militum unus habet, elle seule vaut une armée. Le monde est émaillé de femmes célèbres, dignes émules des grands littérateurs, des savants et des artistes. Dans ses lois, l'homme s'est fait un peu tyran pour éviter sans doute d'être trop esclave au foyer de la famille.

(2) Encore une de ces existences modestes, utiles aux sciences, utiles à la gloire nationale, moissonnées dans la force de l'âge et du talent. Naturaliste décoré de la Légion d'honneur, Pierre-Antoine Delalande (né le 27 mars 1787, mort le 27 juillet 1823), s'est distingué par ses travaux et par ses voyages. Juge éclairé du savoir et du courage parce qu'il fut lui-même un véritable savant et un homme de cœur, Geoffroy-Saint-Hilaire s'exprime

prostitution; le sauvage abuse des plaisirs n'ayant pas l'idée d'imposer à la débauche un nom particulier.

Bruce, voyageur célèbre qui a découvert les sources du Nil Bleu, rapporte que les Abyssins sacrifient à Vénus sans aucune pudeur, même lorsqu'ils sont réunis en société. Le plaisir forme la société conjugale, constitue la loi du mariage ; l'amour satisfait, l'union est rompue. Au milieu d'une confusion aussi grande, tous les enfants sont bâtards ou illégitimes depuis la case princière jusqu'au carbet du pauvre. Aux îles Aleutiennes, le mariage n'est également qu'une liaison passagère qui se rompt et se renouvelle selon le caprice des indigènes. En Guinée, à Serra-Liona, les négresses publiques sont très multipliées: elles font parade de la débauche et du déshonneur. Montesquieu raconte d'après Pyrard que: « La lubricité des femmes est si grande à Patane que les hommes sont contraints de se faire certaines garnitures pour se mettre à l'abri de leurs entreprises. » Voltaire reproche à l'illustre auteur de l'Esprit des lois de n'avoir pas été à Patane vérifier l'exactitude de ce fait. Pourquoi aller loin? Une visite aux lupanares d'Europe suffit à justifier le voyageur et l'historien. Nous avons pour nous convaincre des excès de la prostitution, les remarquables ouvrages de ParentDuchatelet, pour la France, du docteur Richelot (1), pour l'Angleterre. Degrandpré noircit trop le moral des grandes dames négresses du Congo: il prétend que les princesses de ce pays ont le privilége de changer de mari au moindre caprice. Le récit isolé est toujours suspect: un seul voyageur peut avoir mal vu, avoir été mal renseigné et prendre une exception

en ces termes : « Que ne dois-je pas aussi à M. Delalande, que le Gouvernement vient d'envoyer à l'Ile de Bourbon et à Madagascar, en qualité de voyageur-naturaliste! M. Delalande a consenti à me suivre dans ma retraite où sa sagacité et sa dextérité comme prosecteur d'anatomie, m'ont été très utiles. (Philos. anat. Piec. des org. resp. p. xiij). Que faut-il le plus admirer de l'exquise loyauté du maître ou du noble dévouement du disciple!

(1) Voyez l'Union Médicale de 1857. Le journal contient une série d'articles aussi importants par le fonds que distingués dans la forme sur la prostitution en Angleterre,

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