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un honnête homme. Impuissants d'agir contre un fait authentique et de premier ordre, les plus habiles ont tourné la difficulté en prêtant l'oreille aux récits mensongers d'un intrigant florentin, du pilote Améric Vespuce, dans l'espoir de nuire beaucoup à la grande renommée du fameux navigateur et d'abaisser un peu le pavillon d'Espagne. Les temps ont sonné l'heure de la justice; les menées de l'intrigue désormais sont connues. Le pilote Vespuce, comme chacun sait, fut transporté vers les contrées nouvelles, seulement en 1499, par Ojeda, officier du second voyage de Colomb.

Une lutte ne s'engage pas sans quelque perte, alors même que l'on a de son côté le droit, la science, et la vérité. L'envie, aux flancs d'airain, a violemment séparé le Nouveau-Monde du grand nom qui lui appartient, en imposant à la terre nouvelle la dénomination abâtardie d'Améric ou d'Amérique, nom du Florentin généralement admis.

L'extension de l'Ancien-Monde n'a pas éveillé tant de haines profondes, ni suscité tant d'animosité ; c'est qu'il a paru tout naturel de prolonger vers ses dernières limites le vieux terrain de l'humanité. On accorde libéralement la vaillance; on refuse le génie. Il y avait cependant plus que du courage à explorer les rives africaines. Cette recherche sera l'éternel honneur des Portugais. En 1486, B. Diaz signale le cap des Tourmentes, appelé par le roi Jean, père de Dom Henri, cap de BonneEspérance, nom d'heureux augure qui est resté à la pointe d'Afrique. Encouragé par ce grand monarque,

Vasco de Gama partage la même ardeur des découvertes, le même désir d'illustrer sa patrie. Il part de Portugal, double le fameux promontoire, et, le premier, trace la route de Indes Orientales jusqu'à Calicut, où il arrive le 22 mai 1498.

Fragilité des grandeurs humaines ! A quoi tient la gloire? à l'intelligence plus ou moins éclairée du souverain. Les grands princes seuls font surgir au port les grands hommes. L'histoire dépose de cette vérité : ce faible essai ethnologique en renferme des exemples remarquables. Un monarque vulgaire ne trouve pas de différence entre les hommes; il les place tous au même niveau, les élevant, les abaissant à son caprice, quelquefois sans motif et contre toute raison, les anéantissant à la vie sociale: tel est le règne du bon plaisir.

L'histoire a flétri les Romains vicieux, efféminés et lâches de la décadence; elle a flétri des rois de l'épithète de fainéants. Tout se tient, tout s'enchaîne dans l'État : quand un principal ressort manque, la morale pour le peuple, la justice pour le souverain, le mécanisme de la société se dérange, se détraque, se brise la vérité reste comme scellée.

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Connaître l'esprit humain est la plus grande et la plus noble étude des maîtres du monde. La stabilité du trône est à ce prix : le principe croule quand il n'est pas étayé de l'opinion générale. Les principes gouvernent les hommes. A Waterloo nous n'avons pas été vaincus, s'est écrié M. Cousin, dans un élan sublime aussitôt couvert d'applaudissements, une étoile a páli, un principe honteusement trahi est tombé.

Au milieu de tant d'ambitions qui se croisent, le choix des hommes d'Etat est difficile; il décide souvent de la grandeur et de la décadence des peuples; le choix des hommes de science exige une attention plus délicate encore, et même de la supériorité dans le jugement. Le véritable savoir a sa modestie, sa pudeur; il se tient à l'écart, il travaille en silence, il vit pour la pensée, stimulé par l'aiguillon de la gloire, sans faire violence ni obstacle. Tout l'éclat des grandeurs, dit Pascal, n'a pas de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit. » Que faut-il au savant? une découverte : c'est la récompense de ses labeurs, le prix de ses longues pensées; c'est la monnaie de la gloire. Comment le monarque le plus sage pourra-t-il satisfaire jamais la plus terrible des passions qui fermentent dans le cœur humain, peste sociale protéiforme, contagieuse, l'intrigue, puisqu'il faut l'appeler par son nom, toujours plus avide de places que d'honneur, âpre à l'argent, insatiable.

Arrière, race maudite des intrigants, place à l'histoire. La postérité pèse à la même balance le mérite du savant, de l'artiste, de l'homme de lettres et du simple marin, aussi bien que la célébrité des potentats dont les uns ont charge d'âmes, les autres charge de peuples. Elle flagelle la médiocrité dorée assez audacieuse pour broyer impitoyablement le talent, assez lâche pour enlever l'espérance. L'exil, malgré ses rigueurs, est plus doux que de subir la protection de ces chefs de la pédagogie, politiques d'emprunt, artistes en discours, despotes de la pensée, tyrans jaloux même à l'aurore de toute renommée, prompts

à ramper sous le pouvoir qui les écoute, plus prompts à le trabir. Au moindre souffle populaire, nous avons vu ces colosses de position, à la tête altière, aux pieds d'argile, tomber en fuyant. Abandonnons cette variété de l'espèce humaine, humble roseau de cour, chêne orgueilleux partout ailleurs.

La célébrité injustement acquise est une élévation éphémère, une opulence déplacée, elle mine sourdement les bases sociales en décourageant les hommes les plus dévoués: elle retourne en poussière. Le temps efface ainsi l'injustice; il burine la vérité; il console les nobles victimes des hommes. Devant le tribunal auguste de l'histoire, tout comparaît, même la faveur, même le hasard.

En 1500, Pedro Alvarez Cabral fait voile vers les Indes, décidé à suivre avec la flotte qu'il commande la voie maritime déjà frayée, lorsque tout à coup assailli par une tempête, il se trouve entraîné par les vents contraires et jeté sur les côtes orientales de l'Amérique Terre nouvelle, s'écrie-t-il, à la vue du Brésil (le 24 avril), et les nations cette fois d'applaudir à l'heureuse fortune de l'amiral portugais. Mais l'inflexible histoire est là, donnant la palme au modeste pilote Vincent Yantez Pinson, marin du voyage de Colomb, pour avoir le premier franchi la ligne, en 1499, et le premier encore (janvier 1500) pour avoir pris terre au cap de Consolation des rivages brésiliens. Cependant la terre nouvelle était aussi le Nouveau-Monde; Dieu n'a pas voulu que dans la plus grande découverte maritime le génie de l'homme fùt primé par le hasard.

Que de sacrifices pour détacher un lambeau de la vraie gloire! La science, aussi bien que la religion a ses martyrs; ceux-ci ont en vue la récompense promise, la palme céleste; ceux-là, de beaucoup supérieurs, sont à la fois les instituteurs et les victimes des hommes; ils font le bien pour le bien, sans arrière-pensée, dans l'intérêt de tous, à l'exemple du Divin Maître; ils ne relèvent que du tribunal de la conscience. Il faut être bien habile pour instruire les hommes et se faire pardonner son mérite. Bienfaiteurs de l'humanité, voici la couronne immortelle, choisissez de l'ostracisme d'Aristide, du rocher de Napoléon à Sainte-Hélène et de la prison de Galilée.

Une victime des plus touchantes fut Magellan ou Magalhaens. Calomnié, harcelé de toutes parts, le grand capitaine portugais, ne pouvant même obtenir une augmentation de paie de six écus, vint se mettre au service de Charles V, roi d'Espagne. Brave, expérimenté il entreprit le premier voyage autour du monde, mais il n'eut pas le bonheur d'achever sa navigation gigantesque. Après avoir traversé le grand Océan, il mourut aux Philippines, abandonnant à regret ses vaisseaux et ses plans à Sébastien del Cano, hélas! après avoir un peu cherché à ternir le fleuron nautique du diadème de Portugal. L'injustice révolte l'homme de cœur, cependant on ne doit jamais oublier la patrie : quand on sème du vent on récolte des tempêtes.

Le voyage autour du monde fut repris par Bougainville, amiral célèbre par sa fidélité à la France et par ses magnifiques découvertes. Caractère taillé

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