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CHAPITRE XI

ACTION SUR LA NUTRITION.

$1. -Rien de plus discuté en physiologie et en hygiène que le rôle de l'alcool dans la nutrition. L'alcool est-il ou n'est-il pas un aliment? telle est la question que la science se pose encore aujourd'hui et pour laquelle les auteurs présentent une solution différente, suivant qu'ils admettent que l'alcool éprouve dans l'économie des modifications plus ou moins complètes, ou bien qu'ils considèrent ce liquide comme ne faisant que traverser l'organisme, sans y subir la moindre altération. Tandis que les partisans de la première opinion (Liebig (1), Bouchardat et Sandras (2), Duchek (3), Baudot (4), etc.) considèrent l'alcool comme le type de l'aliment respiratoire ou calorifique, les auteurs qui attribuent à cette substance la seule propriété de séjourner, pendant quelque temps, inaltérée dans le sang et de disparaître en totalité par les principales voies d'excrétion (Lallemand, Perrin et Duroy), ne reconnaissent dans l'alcool qu'un simple modificateur des fonctions nerveuses et lui refusent toute propriété nutritive et tout rôle alimentaire.

(1) Liebig, Nouvelles lettres sur la chimie, trav. cité.

(2) Bouchardat et Sandras, Annales de chimie et de physique, t. XXI, mém. cité.

(3) Duchek, Ueber das Verhalten des alcohols im thierischen organismus. (4) E. Baudot (Union médicale, 1863 et 1864), mém. cité.

Nous savons maintenant à quoi nous en tenir sur la valeur des arguments allégués par les partisans des deux théories opposées qui règnent parmi les savants, à propos de cette importante question du pouvoir nutritif de l'alcool. Les expériences instituées par Hugo Schulinus nous ont permis de constater comment on peut concilier l'une et l'autre dans l'explication des effets déterminés dans l'économie par les boissons alcooliques. Il faut considérer, avons-nous dit, dans l'alcool absorbé par l'organisme, deux parties : l'une qui subit des altérations évidentes et disparaît au sein des humeurs et des tissus, l'autre qui reste inaltérée dans l'organisme. Pour expliquer le rôle de l'alcool dans la nutrition, il faut donc distinguer ces deux parties; chacune, en effet, doit avoir une influence spéciale sur la nutrition, et c'est cette influence qu'il est utile de bien déterminer pour faire comprendre au lecteur le rôle complexe et double, pour ainsi dire, que présente l'alcool comme substance alimentaire.

1o La partie de l'alcool absorbé et introduit dans le sang, qui reste inaltérable dans l'économie, qui, après s'être mêléc avec les humeurs et les tissus, grâce à l'extrême avidité que ce corps présente pour l'eau, traverse simplement l'organisme et disparaît au bout de quelque temps par les divers émonctoires, explique, comme nous l'avons vu, les divers phénomènes qui se produisent du còté du système nerveux et des fonctions qui en dépendent (circulation, respiration et chaleur animale) après l'ingestion des boissons spiritueuses. Jusqu'ici elle agit comme simple modificateur du système nerveux, et non comme un aliment. Mais là ne se borne pas son rôie; par suite de l'excitation que cet alcool libre dans le sang exerce sur le système vaso-moteur et par son intermédiaire sur la vascularité des tissus vivants, sur les combustions et les transformations organiques, il agit puissamment sur la nutrition, dont il enraye le mouvement de désassimilation, et son influence peut être comparée à celle de certains

courants électriques continus, dont l'application sur le grand sympathique ou sur la moelle épinière, d'où ce système émane, détermine les mêmes effets sur la vascularisation, la calorification et les oxydations des tissus vivants.

A ce point de vue, si nous tenons compte de la définition que nous avons appliquée au mot aliment dans l'introduction. qui précède ce travail, il ne peut y avoir de doute sur le rôle nutritif qui doit être attribué à l'alcool libre dans l'économie. Il est vrai que cet alcool n'intervient pas directement dans la nutrition, en fournissant aux éléments organiques ses propres matériaux comme sources de réparation ou de force pour ces éléments; mais son influence, tout en étant indirecte et tout en se transmettant aux organes et aux tissus par l'intermédiaire du système nerveux, n'en est pas moins réelle et se manifeste par des phénomènes non moins importants. Voilà pourquoi nous n'hésitons pas à considérer cet alcool libre comme un aliment dynamique ou nervin, et à le placer à côté de certaines autres substances dont nous aurons à faire l'étude dans le courant de ce travail (caféine, théobromine, cocaïne).

2 Quant à la partie de l'alcool qui disparaît au sein de l'économie et qui subit certainement dans le sang une véritable combustion, on ne peut se dissimuler qu'elle agisse comme un véritable aliment thermogène ou calorifique, et qu'elle soit pour l'organisme une source de chaleur et par conséquent de force et de mouvement.

Puisque l'alcool a deux destinations différentes dans l'organisme, il faut attribuer à ce liquide un rôle également distinct, suivant qu'il reste libre et inaltéré ou suivant qu'il se décompose et se consume au sein de l'économie.

Tandis que l'alcool libre agit spécialement comme excitateur du système nerveux et constitue un aliment nervin, l'alcool qui, véritable combustible, disparaît dans le sang, doit être considéré comme un aliment thermogène et calorifique.

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L'ALCOOL,

Du reste, quel que soit le mode d'action spécial que présente l'alcool, suivant qu'il reste inaltéré ou qu'il est détruit dans l'économie, il constitue dans les deux cas une source considérable de force pour nos organes et mérite doublement la qualification d'aliment dynamique ou réconfortant, que nous lui avons accordée.

§ 2.

Il est facile maintenant d'expliquer, par ce double rôle qu'exerce l'alcool dans l'économie, les phénomènes qui suivent l'absorption de ce liquide et sur lesquels nous avons insisté précédemment.

Nous savons que tout phénomène dans l'économie s'accompagne infailliblement de dépense ou de production de force; nous connaissons de plus les relations intimes qui unissent le calorique à la force, et l'axiome qui découle de la théorie mécanique de la chaleur pas de force sans consommation de chaleur. D'un autre côté, nous avons distingué dans l'économie la chaleur latente et la chaleur sensible, et nous savons que le thermomètre ne nous fournit des indications que sur cette dernière; il mesure la température, mais ne peut révéler le calorique qui se soustrait à notre appréciation, par sa transformation dans l'économie en force et en mouvement.

D'après le double rôle que nous avons cru devoir attribuer à l'alcool, suivant qu'il reste libre ou se décompose dans le sang, on comprend facilement que cet ingesta modifie en même temps, dans l'organisme, les recettes et les dépenses de chaleur et de force.

Y a-t-il compensation entre la chaleur produite par l'alcool transformé et la chaleur absorbée par la suractivité des fonctions nerveuses et par la dépense de force produite par l'alcool libre? Évidemment non, puisque la température subit un abaissement après l'ingestion de l'alcool.

On s'explique maintenant tout naturellement cette descente plus ou moins rapide et plus ou moins marquée, qui

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suit dans certains cas l'ingestion d'un aliment thermogène et d'une substance combustible comme l'alcool, en admettant que la chaleur produite par la décomposition de ce liquide est tout entière et au delà consommée par ce surcroît d'énergie et d'activité qu'il imprime au système nerveux cérébro-spinal et par son intermédiaire aux grandes fonctions. de l'économie. L'alcool est bien une source de chaleur pour l'organisme, mais une source de chaleur insuffisante, comparativement à la grande proportion de calorique dont il détermine la transformation en force, par suite de la stimulation qu'il produit dans les centres nerveux et dans les appareils qui en dépendent.

Telle est l'explication la plus naturelle et la plus conforme aux lois physiologiques et aux résultats de l'expérimentation, que nous croyons devoir donner de l'action de l'alcool sur la nutrition, action complexe et qui dépend certainement de la double influence qu'exerce ce liquide, d'une part comme dispensateur de force nerveuse et comme modérateur et régulateur du mouvement de dénutrition (alcool libre dans le sang), d'une autre part comme source de chaleur et aliment respiratoire et calorifique (alcool transformé dans l'économie).

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