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L'alcool, la caféine et la cocaïne constituent donc au plus haut degré des stimulants du système nerveux, dont ils activent les principales fonctions. Ils agissent principalement sur le pouvoir excito-moteur de la moelle et, par son intermédiaire, sur la sensibilité et sur la motilité, comme l'indiquent les phénomènes qui accompagnent leur ingestion à doses modérées chez l'homme : accroissement de l'activité cérébrale, de l'aptitude au mouvement et à la marche, et de la résistance contre la fatigue.

Leur influence est surtout médullaire. Ils augmentent la force et l'activité du cœur, excitent le grand sympathique et les nerfs vaso-moteurs, diminuent le calibre des vaisseaux et élèvent le degré de pression du sang dans le système artériel. En même temps, ils restreignent les déperditions organiques, diminuent la proportion d'urée et de matières extractives dans les urines, et produisent un abaissement de la température organique.

Nous croyons devoir attribuer à ces agents une influence cérébrale beaucoup plus restreinte que celle qu'on leur reconnaît habituellement, bien que ne leur refusant pas une certaine part dans les modifications du fonctionnement de l'intelligence, qui suivent l'ingestion des boissons spiritueuses et des boissons aromatiques; d'une part, l'étude de la physiologie pathologique de l'ivresse que nous avons présentée plus haut, d'une autre part, les résultats des expériences que nous avons faites avec la caféine et la cocaïne, nous ont conduit à rattacher en grande partie les effets cérébraux des boissons alcooliques et des boissons aromatiques à certaines substances étrangères dont l'analyse chimique indique la présence dans ces liquides et dont l'expérimentation sur l'homme et sur les animaux nous a démontré l'activité physiologique. A ce point de vue, certains éthers (œnanthique, citrique, tartrique, racémique, acétique, butyrique, etc.) associés à l'alcool dans les boissons fermentées et distillées,

paraissent avoir une influence cérébrale tout à fait comparable à celle des essences volatiles (caféone, essences de thé, de coca et de maté) contenues dans les boissons aromatiques.

Enfin, la présence de matières azotées et de substances salines dans les boissons artificielles explique leur pouvoir plastique ou réparateur.

Voilà pourquoi l'influence générale qu'exercent les boissons spiritueuses et aromatiques dans l'économie nous permet d'envisager les unes et les autres :

1° Comme des aliments dynamiques ou nervosiques, grâce å la stimulation cérébrale déterminée par les substances volatiles (éthers ou essences) qu'elles renferment généralement, et grâce à l'excitation de la moelle épinière sous l'influence de leur principe actif (alcool, caféine ou cocaïne);

2o Comme des aliments d'épargne ou antidéperditeurs, grâce à l'excitation du grand sympathique produite par l'alcool pour les premières, par la caféine ou la cocaïne pour les secondes ;

3o Comme des aliments plastiques ou réparateurs, grâce à la présence dans les unes et les autres de substances azotées et de principes inorganiques assimilables.

La facile destruction de l'alcool dans l'économie et son oxydation partielle dans le sang assurent, de plus, aux boissons spiritueuses une place importante parmi les aliments thermogènes ou calorifiques; quant aux boissons aromatiques, il n'y a guère que le cacao qui, grâce à sa richesse en substances grasses, figure à ce titre dans le régime alimentaire.

§ 2. Telles sont les analogies remarquables que présentent entre elles les boissons spiritueuses et les boissons aromatiques, et sur lesquelles nous avons cru devoir appeler l'attention du lecteur. Il y a pourtant quelques différences å signaler entre ces boissons, lorsqu'on considère particulièrement les effets qu'elles déterminent du côté du système

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nerveux. Ainsi, quand on étudie soigneusement ces effets, on ne tarde pas à s'apercevoir que, tout en ayant une influence commune sur l'appareil cérébral, chacune de ces boissons possède une sorte de spécialité d'action vis-à-vis des diverses parties du système nerveux et s'adapte pour ainsi dire à l'excitation artificielle de l'une ou de l'autre des trois grandes fonctions cérébrales (sensibilité, intelligence, volonté).

Nous savons que l'alcool agit principalement sur la sensibilité, fait qui ressort aussi bien que l'examen des troubles qui constituent l'ivresse, que de la comparaison de ce dernier état avec les effets des principaux anesthésiques (éther, chloroforme). Nous avons cité ailleurs les conclusions du travail de Lallemand, Perrin et Duroy, d'après lesquelles l'alcool doit être considéré comme un véritable anesthé sique, et nous avons vu que Cl. Bernard a démontré que la physiologie pathologique de l'ivresse était aussi celle de l'anesthésie. D'un autre côté, nous avons démontré que l'alcool porte primitivement son action sur l'appareil sensitif de la moelle, et que les diverses fonctions de celles-ci sont toujours atteintes dans l'ordre suivant :

1o Sensibilité; 2o motricité; 3° pouvoir excito-moteur. Hyperesthésie, puis anesthésie, tels sont les deux principaux phénomènes que détermine l'administration de l'alcool; tels sont les deux stades de son action physiologique.

Quant au café et au thé, grâce à la forte proportion d'essences aromatiques que ces boissons renferment et dont les effets céphaliques nous semblent aujourd'hui bien démontrés, ce sont des stimulants de l'intelligence, comme l'indique le titre de boissons intellectuelles qui leur a été donné depuis longtemps.

Nous ne pouvons mieux distinguer l'action de ces deux boissons sur nous-même, qu'en disant que l'ingestion de la première produit chez nous le désir de la vie active, tandis

que l'ingestion de la seconde détermine plutôt le goût de la vie contemplative.

L'action du maté sur le système nerveux se rapproche singulièrement de celles des boissons précédentes; grâce à sa richesse en essences aromatiques, ce liquide agit puissamment sur les facultés cérébrales et même encore plus que le café et le thé, si bien que, comme le remarque Mantegazza, un cerveau qui ne répond plus à l'action de ces deux dernières boissons s'éveille habituellement sous l'influence du maté.

Reste la coca, qui, grâce à la présence de la cocaïne, alcaloïde dont l'influence sur le pouvoir excito-moteur de la moelle et sur la motilité est considérable, agit puissamment sur le système musculaire et dispose singulièrement, comme nous l'avons vu, à la marche et au travail corporel. Ces faits permettent donc d'entrevoir suffisamment le rôle spécial qu'on peut attribuer à cette boisson comme aliment musculaire, comparativement à l'alcool, aliment de l'impressionnabilité et de la sensibilité, comparativement au café, au thé et au maté, aliments essentiellement cérébraux et intellectuels. Aussi, comme nous le verrons bientôt, tandis que ces dernières boissons interviennent efficacement dans l'alimentation du savant et de l'homme de cabinet, la coca semble devoir être principalement utilisée dans le régime du manœuvre et de l'ouvrier. Elle augmente la force musculaire, comme le café, le thé et le maté augmentent l'activité intellectuelle.

CHAPITRE II

EXPLICATION DU RÔLE PHYSIOLOGIQUE DE L'ALCOOL ET DES BOISSONS AROMATIQUES; RAISONS POUR LESQUELLES ON PEUT LEUR APPLIQUER LA DÉNOMINATION D'ALIMENTS D'ÉPARGNE.

$1.

Bien que l'importance dans le régime alimentaire des boissons spiritueuses et des boissons alcooliques ait été reconnue par la plupart des hygiénistes, aucune question n'est encore aujourd'hui plus obscure et plus discutée en physiologie que le rôle de ces liquides dans la nutrition et dans l'alimentation. Cette indécision dans la science tient à ce que l'on est peu d'accord sur l'action physiologique de l'alcool, principe actif des boissons spiritueuses, comme sur l'action physiologique des alcaloïdes (caféine, théine ou cocaïne), principes actifs des boissons aromatiques.

Conformément à la théorie et à la distinction qu'il avait établie entre les aliments réparateurs du sang et des tissus ou plastiques, réparateurs de la chaleur animale ou respiratoires, et réparateurs du fluide nerveux ou nervins, Liebig, ainsi que nous l'avons vu, considérant l'alcool comme susceptible d'être brûlé dans l'économie, avait classé ce liquide parmi les aliments respiratoires et avait été conduit à attribuer aux boissons spiritueuses un rôle important comme agents de calorification dans l'économie.

Quant aux boissons aromatiques, la présence dans ces liquides de principes azotés (caféine, théine), auxquels le grand chimiste rapportait l'excitation du système cérébrospinal consécutive à l'ingestion des principales d'entre elles

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