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II. SECTION.

SYSTÈMES ETHNOLOGIQUES.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

Ouvrez les livres de la science: qu'elle confusion! quel désordre en histoire naturelle de l'homme! Tout semble livré aux caprices de la volonté: tout relève de l'érudition des compilateurs et des inspirations du génie : dans l'art de classer l'être humain, l'idéologie domine la nature, efface l'organisme. Il n'y a pas deux savans d'accord sur le nombre des races, et l'on discute encore avec une égale force les questions de l'unité et de la pluralité de l'espèce humaine. Chacun ambitionne de paraitre; chacun veut se poser en créateur d'un système, troublant l'harmonie de l'ordre qu'il rencontre, sans justifier toujours ses divisions nouvelles.

Le désordre dans la classification de l'espèce humaine tient à l'absence des caractères anatomiques. Privés de cette lumière, les esprits les plus éminens se sont perdus, égarés, fourvoyés dans les méthodes artificielles. Il y a dix idées neuves et par conséquent dix systèmes différents.

Augmenter, diminuer ou détruire une coordination_scientifique précédemment établie, ce n'est pas créer une nomenclature

nouvelle et supérieure à moins que l'organisation n'arrive comme principe fondamental, c'est encombrer la science de matériaux inutiles. Abandonnons à leur triste sort les essais de compilation infructueux, sans valeur, entassés dans des volumes sans nombre, véritable magasin d'ennui. O imitatores servum pecus! Qui voudra suivre servilement Meiners, auteur allemand, lorsqu'il divise le genre humain en deux races, la belle et la moins belle : ni le nègre, ni le blanc ne se laisseront prendre au piége; tous deux se croient superbes de forme et de couleur. Autant il vaudrait admettre la division des habitants de l'Europe en lecteurs et en auteurs, proposée par Voltaire, pour contrebalancer la division des petits tyrans barbares de la féodalité qui portaient l'oiseau sur le poing, et des serfs, esclaves blancs attachés à la glèbe qui manquaient du nécessaire. Notre grand littérateur (1), habile à découvrir le défaut de la cuirasse des naturalistes qui se trouvent contraints par la science à n'avancer que lentement, à pas de tortue, dans les recherches, a voulu dire hardiment son mot sur les variétés humaines. Il prétend que les races ou les espèces, ce qui est tout un pour lui, sont aussi variées, aussi nombreuses que les singes, et sans sourciller, il traite d'aveugle quiconque refuse d'admettre une multitude d'espèces. A chaque découverte des naturels d'une île on s'écrie: D'où ces gens là sont-ils venus »>! Le savant étudie, Voltaire (2) a sa réponse toute prête : les indigènes sont sortis de terre comme les plantes, comme les animaux, comme les moindres productions du sol natal. ▾ Si l'on ne s'étonne pas, dit-il (3), qu'il y ait des mouches en Amérique, c'est une stupidité de s'étonner qu'il y ait des hommes. >> Un trait d'esprit ne tient pas lieu du fait en histoire naturelle; une saillie heureuse ne remplace pas la vérité. Ecoutons des autorités plus attentives, plus disciplinées dans le cours des sciences et moins téméraires à juger les œuvres de la création.

(1) Quest., t. v, p. 182.

(2) Quest.. t. 1, p. 158.

(3) Maurs. t. II, p. 290.- Mélanges de litt., t. 11, p. 299.

CHAPITRE I.

CLASSIFICATION GÉOGRAPHIQUE,

Linnée, le plus grand législateur des sciences naturelles, s'est emparé des notions générales et vulgaires de la coloration de la peau humaine en rapport avec chacun des continents; il a formé quatre races principales: 1o l'Américaine brune; 20 l'Européenne blanche; 3o l'Asiatique jaune; 40 l'Africaine noire; il ajoute encore une cinquième race 5o la Monstrueuse, destinée a contenir les défectuosités ou les anomalies de toutes les autres variétés.

Cependant, les Américains ne sont pas bruns, mais cuivrés et rougeâtres. La coloration basané-olivâtre, la plus répandue de toutes les teintures de la peau, échappe dans sa vraie signification à la nomenclature Linnéenne qu'elle embarrasse. Aucun ethnologiste, aucun géographe même n'ont voulu sanctionner de pareilles coupes systématiques. Bory oppose à la division. géographique un double argument : nul continent, selon lui ne possède une espèce spéciale, unique; chaque continent renferme, au contraire, plusieurs espèces d'hommes. Démontrer nettement que le célèbre Linnée ne fournit pas la justification anatomique du rapport nécessaire de la couleur de la peau avec sa cause, le continent, est le propre d'un esprit sagace; mais on ne doit pas soi-même tomber dans une autre faute, d'autant plus grave qu'elle est calculée et volontaire, en substituant le mot espèce au terme de race: in vitium ducit culpæ fuga.

CHAPITRE II.

ETHNOLOGIE DESCRIPTIVE,

Fidèle au principe contraire à toute classification scientifique, en dehors de ses idées particulières touchant l'ordre naturel, Buffon (1) s'empare de la topographie, croit à l'unité de l'espèce humaine et se livre à travers le monde a une pérégrination savante, littéraire et historique. Il part du pôle septentrional, décrivant les mœurs, les coutumes, la taille, les traits du visage, la couleur de la peau, l'intelligence et l'instinct, en d'autre termes, les caractères physiques et moraux des hommes; cherchant les analogies et les différences de consanguïnité entre les peuples voisins, et formant des races à son gré: c'est ainsi qu'il parvient jusqu'aux insulaires de la mer du sud, voisins du pôle austral. L'ancien continent lui paraît habité par un grand nombre de races différentes, eu égard aux mélanges multiples des nations entre elles: mélanges facilités par les rapports continuels des communications, et aussi, à l'aide de connexions plus rares avec les peupladesdes contrées lointaines, lors des migrations. Il invoque le témoignage de l'histoire pour démontrer que les naturels du nouveau monde ne forment qu'une seule race : le même peuple sur le même sol, malgré ses incursions en tous sens, volontaires ou forcées, lui semble partout identique, partout constituant une variété humaine, spéciale. Buffon explique, car son génie plane sur la nature entière, que les aborigènes sont des navigateurs téméraires qui ont abordé au Nord-Ouest de la Californie: d'où le froid

(1) Hist. natur., t. v, p. 202.

les a chassés vers les régions méridionales. On quitte volontiers un pays infertile et glacé, pour habiter un pays chaud et riche des productions de la nature. D'autres peuplades errantes ont pris pied au sol américain, après avoir traversé la mer de Baffin, le détroit de Davis et plus aisément celui de Behring. Les îles aleutiennes représentent, en effet, une chaîne d'îlots brisée, interrompue, disposée en arc de cercle entre les deux continents. A l'époque des grands froids, une partie de la mer du détroit se prend, se gèle et forme avec les îlots un tout presque continu et, en quelques sorte, un pont jeté par la nature qui met en communication directe les habitants des deux mondes.

L'ethnologie descriptive, tout en cheminant, a l'avantage de parquer chaque race, et de la juger relativement à ses alliances voisines, à son climat, à l'endroit où elle s'est parquée d'ellemême. Pour rentrer dans la méthode naturelle, nous substituons à la race artificielle, le peuple et les tribus, divisions naturelles.

La critique la plus violente s'est acharnée contre ce magnifique ensemble de recherches, généralement écrit avec une rare élégance qui rappelle la douceur du style de l'Abeille de l'Attique, surnom de Sophocle. On a prétendu que le grand naturaliste, trompé par des récits inexacts et quelquefois mensongers, avait peint des mœurs idéales, et, au souffle de son génie donné la vie à des peuples qui n'avaient jamais existé.

Valmont de Bomare (1), auteur peu connu et digne de l'être, a rendu justice à Buffon: il a reproduit avec exactitude une partie de l'histoire naturelle de l'homme, ajoutant plusieurs faits nouveaux et importants.

(1) Dict. d'hist. nalur., 1776. Art. Homme, Nègre, etc.

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