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ils voient leurs ennemis tirer de si grands avantages; ils ne se soucient même pas d'apprendre la langue dans laquelle sont écrites les communications du plénipotentiaire britannique. Les Anglais, pour l'opposé, apprennent avec joie les différens idiomes du céleste empire, respectent les bibliothèques, fondent des écoles dans les endroits qu'ils ont soumis à leur domination... Et nous-mêmes, quoique étrangers à la guerre, nous travaillons aussi à la conquête de la Chine par la publication d'ouvrages scientifiques, supérieurs peut-être à tout ce que nos voisins d'outre-Manche ont publié jusqu'à présent. Nous n'avons pas besoin de rappeler les grands travaux des Prémare, Noël, Gaubil, Amyot, Fourmont et Rémusat; tout ce que nous pourrions en dire n'ajouterait rien à la gloire nationale qui se rattache à ces noms célèbres: nous nous bornerons à parler, pour le moment, de l'ouvrage remarquable qu'un sinologue bien connu a publié l'année dernière sous le titre modeste de Système phonétique de l'écriture chinoise. On possédait depuis longtemps des notions assez exactes sur la nature de la langue chinoise; on avait des grammaires, des dictionnaires, des traductions, qui permettaient d'apprendre le chinois sans sortir des murs de Paris. Nous croyons même qu'on avait fait des tentatives pour éclaircir la nature des caractères chinois; mais il était réservé à M. Callery de nous en dévoiler l'ingénieux mécanisme, et de nous les présenter comme formant un vaste système parfaitement symétrique dans tous ses détails.

Le besoin de figurer la parole au moyen de signes permanens a fait inventer l'écriture à l'origine des sociétés même; mais chaque peuple, suivant le degré de sa civilisation, ou, pour mieux dire, de sa réceptivité, a adopté un système d'écriture plus ou moins parfait. Chez les uns, on s'est arrêté à la forme physique des objets qu'on voulait désigner, et l'écriture est restée ce que M. Callery appelle pittoresque (pictoria) et que nous appellerions hieroglyphique. Ce sont les peuples les moins éclairés qui ont fait usage de ce système. Chez d'autres, on s'est servi de la figure de certains objets sensibles pour re

présenter les idées métaphysiques ou les êtres qui ne tombent pas sous les sens, et l'écriture alors a pris un caractère symbolique. Chez les peuples enfin où l'intelligence est le plus développée, on eut tout d'abord l'heureuse idée de représen ter les sons même du langage au moyen de signes faciles, étrangers à la forme des objets, et l'écriture chez eux est devenue alphabétique, syllabique ou lexicographique, en un mot, ce que les philologues appellent phonétique.

Auquel de ces systèmes appartient l'écriture si bizarre des Chinois? Si nous ne consultions que le titre de l'ouvrage publié par M. Callery, nous serions portés à croire qu'elle doit être rangée parmi les écritures phonétiques, contrairement à toutes les idées qu'on s'en était formées jusqu'à ce jour. Mais en lisant attentivement quelques chapitres du premier volume, nous avons appris que les caratères chinois sont tantôt phonétiques, tantôt idéographiques, et le plus souvent idéophonétiques. Cette complication de principes dans un seul et même système nous fait avancer sans crainte que l'écriture chinoise ne ressemble exactement à aucune des écritures anciennes ou modernes, quoique, sous certains rapports, on puisse la comparer à l'écriture hiéroglyphique des Égyptiens.

Montesquieu dit qu'il n'y a rien de complétement isolé dans ce monde, et il a raison, même pour ce qui regarde les caractères chinois; car, dans le second volume de son savant ouvrage, M. Callery a prouvé que tous les signes de l'écriture chinoise se rattachent à des séries ou ordres phonétiques nettement caractérisés par la forme de leurs élémens aussi bien que par le son dont les a investis. Bien plus, les propriétés essentielles à chaque ordre se trouvent réunies de telle sorte dans le caractère chef, qu'il suffit de bien savoir celui-ci pour posséder les élémens essentiels de ses nombreux déri vés. Ce ne sont donc plus quatre-vingt mille signes qu'il s'agit d'apprendre pour pouvoir lire le chinois; il suffira désormais d'en savoir un nombre comparativement insignifiant, que M. Callery promet encore de réduire.

A voir les progrès immenses que les études orientales ont

faits chez nous, plus que partout ailleurs, nous sommes portés à croire que si le destin a chargé nos voisins de la conquête territoriale de l'Asie, c'est à nous qu'il en a réservé la conquête littéraire. Gloire donc à nos orientalistes! Honneur au jeune et habile sinologue dont nous venons de mentionner les travaux ! Puisse son exemple susciter des imitateurs, (Article communiqué.)

HISTOIRE.

Die Juden unserer Zeit, u. s. w. Les Juifs de notre temps. Tableau résumé de leur situation politique et religieuse dans les trois continents de l'ancien monde; par Bonaventura Mayer, professeur de langues orientales. Ratisbonne, Manz, 1842. In-8° de vi-200 p. Prix : 4 fr.

Ce livre est dédié à l'évêque d'Eischtædt; c'est un recueil de faits puisés à toutes les sources possibles; il offre une peinture vivante de la situation des descendans du peuple juif disséminés sur la terre et exerçant leur infatigable et éternelle industrie sur le sol des pays les plus anciennement civilisés. Le continent américain a été exclus de ces recherches; c'est une chose à regretter, car certainement il eût été curieux aussi de nous donner une idée de la position que les juifs se sont faite dans tous ces jeunes états, et cela eût complété ce corps de documens, un des plus intéressans peut-être dans l'histoire de l'humanité. L'auteur commence par la Russie, qui renferme dans son sein 940,000 juifs. Ils se partagent en diverses classes: les Chassidéens, les Caraïtes, la classe moyenne et les opposans, les ouvriers et la Chabad, dont le costume et les caractères distinctifs sont décrits en détail, et entre autres questions on trouve celle-ci : ces sectes sont-elles obligées par leur religion à ne point eirer leurs bottes ? l'auteur le nie; du reste il établit que ces idées appartiennent à l'ancienne religion russe plutôt qu'à la religion juive. Le juif russe qui porte une cravate ou des bretelles passe aussi pour un héré

tique, un novateur, un esprit fort parmi ces coreligionnaires. Celui qui ose profaner sa barbe par l'attouchement des ciseaux ou du rasoir est menacé dans l'autre vie de se la voir arracher complétement par un taureau noir. Parmi ces milliers de juifs russes, il s'en trouve à peine trois qui parlent purement la langue russe et à peine un qui l'écrive. Quant à s'occuper de grammaire hébraïque, ils regardent cela comme un péché, et tout livre cependant qui n'est pas en langue hébraïque est impur à leurs yeux. Les Chassidéens sont des talmudistes fort distingués, mais de la plus grande malpropreté. Lorsqu'en 1826 on ordonna de procéder au premier recrutement parmi leur population, en une seule nuit quatre-vingts mariages furent célébrés entre des enfans de huit à neuf ans. « Le Chassidéen, dit M. Mayer, est exact et scrupuleux dans sa vénération pour tout ce qui se rattache à la Divinité, mais pour ce qui concerne les hommes, il en fait peu de compte. Aussi se livre-t-il au mensonge, au vol, à la fraude, et au meurtre même, sans se le reprocher positivement. » Il est bien entendu que ceux à l'égard desquels il pratique de telles vertus, de préférence, sont étrangers à sa secte. Les opposans sont grossiers, ignorans, et ne savent pas ce que c'est que le Talmud; ils font leurs prières avec ferveur, mais sans savoir ce qu'ils disent. Le commerce est leur principal moyen de subsistance, beaucoup cependant donnent la préférence au vol exercé sur une plus ou moins grande échelle. Il y a des localités entières dont les habitans se consacrent presque généralement à ce genre d'industrie. Pour le faire avec plus de sûreté, ils mettent les autorités dans leurs intérêts, mais en Russie cela se pratique non-seulement par eux, mais par les autres juifs et les chrétiens. même. Le produit de leurs vols est déposé dans un bureau spécial dont le chef a le titre de prophète, et là quiconque tient à sa propriété peut la récupérer moyennant une indemnité proportionnée à l'objet. Ces fidèles croyans n'en portent pas moins sur la tête les dix commandemens et ils se feraient scrupule d'en omettre un seul, ou bien de manger d'un aliment défendu. Ils font aussi l'usure, mais sans intérêts, et se

contentent de stipuler qu'il leur sera tenu compte de la moitié des bénéfices, qu'ils calculent toujours sur le pied de quarantehuit pour cent. Le débiteur, il est vrai, peut recourir à un moyen fort simple pour échapper à cet égorgement indigne; il lui suffit d'affirmer avec serment qu'il n'a fait aucun bénéfice. Le seul inconvénient à cela c'est qu'il ne trouve plus à l'avenir un seul de ces juifs disposé à lui prêter de l'argent, ou même à lui donner le plus mince crédit. Beaucoup de ces sectaires vivent aussi du métier de délateur. La classe des ouvriers est la caste des parias parmi les juifs de Russie : cependant il en est parmi eux dont les connaissances techniques et l'éducation scientifique marquent la place bien au-dessus des hauts et puissans sectaires du premier rang. La secte de la Chalad n'est pas fort ancienne, et elle est encore peu nombreuse, mais elle est de quelques degrés plus élevée sous le rapport intellectuel; aussi ses membres sont-ils favorisés de la haine des Chassidéens, qui prennent grand soin de les éviter. Les Caraïtes sont des espèces de Tartares pour leur manière d'être; ils reconnaissent la loi mosaïque et non le Talmud. Cependant on trouve chez eux beaucoup de règles du cérémonial qui n'ont point leur fondement dans la Bible. Ils ont les mêmes défauts que les autres sectes, mais ils se distinguent au moins par deux qualités de plus, la propreté et la bienfaisance. La sabbathnek est rejetée du nombre des sectes juives, parce que, dit M. Mayer, à l'exception de la célébration du sabbat, ils ont perdu toute mémoire de ce qui est sacré aux fidèles israélites. Ces sectaires sont fort actifs et très-riches; ils prétendent descendre des juifs, mais ils repoussent toute espèce de communauté avec eux. La conduite du gouvernement russe à l'égard des juifs, et la parfaite tolérance dont ceux-ci sont l'objet, sont regardées par l'auteur comme le résultat de leurs richesses et de leur fidélité. Ils considéraient l'exclusion du service militaire comme un bonheur, et quand elle fut abrogée, ils ont eu recours à tous les moyens imaginables pour échapper à ces nouvelles exigences. Les soldats juifs réclamérent du gouvernement la liberté de vaquer à leurs

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