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caux m'avoit effrayée: ce qui lui fit prendre la réfolution de faire entrer avec moi dans le bain une des filles deftinées au culte de la Déeffe. J'avoue que je fûs fâchée de cette réfoly tion, prévoyant qu'elle alloin me priver de la vûe de mon cher Prince. Je ne me trompai le reste de ma neuvaine se

pas, paffa fans que je le vis: depuis ce jour il est toujours présent à mon efprit, c'est en vain, que je le cherche. Mais, malgré mon peu d'efpoir, je ne me plais qu'au bord des eaux qui ne font néanmoins que nourrir mes peines, fans que l'ingrat qui les caufe & qui peut-être en eft témoin, daigne feule, ment en avoir pitié,

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En vérité Madame, reprit Céliane, votre aventure eft, des plus furprenantes. Vous me permettrez de vous blâmer d'avoir négligé d'employer ces raifons qui font plus que fuffifantes, pour vous juftifier. Il est trèscertain que la Reine Pentaphile n'auroit pu se refuser à leur évidence; car fans doute c'eft quelque Dieu marin qui a pris la forme du jeune homme qui s'eft uni avec vous à la fontaine, peut être eft ce Neptune lui-même : & je ne fais nul doute, fi la Reine eût fçu toutes ces circonstances, e que, loau d'ordonner votre exil allec vous cûr immanquablemont placée fur le Trône qu'elle occupe; vous auriez du a

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moins confulter la Fée Bonine fur une affaire auffi délicate, & d'où dépend le repos de vos jours.

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Que dis tu ma Céliane, reprit la Princeffe? Oublies tu le filence qui m'a été imposé ? Peut-être même qu'en ce moment j'offense mon époux en ofant te confier mon fecret. Hélas! il doit me pardonner ce foible foulagement. Au refte, quand je n'aurois pas fait vou de lui facrifier mon repos, quelle preuve aurois-je pu donner de la vérité de mon aventure? J'aurois rifqué ma vie, & perdu tout espoir de revoir mon Prince. D'ailleurs tu n'ignores l'ennui

pas

que j'ai toujours eu Ala Cour de Pentaphile, & cet

ennui s'eft beaucoup augmenté depuis mon union avec le Prince des Ondes. Qu'auroisje pu faire à la Cour de Castora, y portant fans ceffe l'image d'un Prince qui fans doute n'approuve aucune de fes Loix ? Je t'affure que j'aurois toujours vécu dans la douleur & l'amertume; tu fçais qu'on y eft gêné jufques dans fa façon de penfer, fans ceffe obfédé par des femmes dont la bigoterie & l'efprit faux rend le commerce infoutenable: ces femmes renonceroient plutôt à la vie qu'à leurs opinions, elles ne fe plaifent qu'à creufer les fentimens des perfonnes qu'elles veulent noircir, rien ne manque à leurs portraits, leur fcru

puleux détail découvre aifément la main qui a tenu le pinceau du moins, dans cette retraite, je jouirai de la douceur de me plaindre, fans craindre la critique de mes ennemies. J'en conviens, Madame, dic Céliane, mais auffi eft ce la feule liberté qui vous refte; & ma Princesse ne sçauroit nier que la diffipation ne foit le plus sûr remede contre le chagrin, le vôtre fe nourrit & s'entretient par la folitude. Je ne connois rien de fi cruel que d'être fans ceffe en proie à sa douleur : mais permettez-moi, Madame, d'ajouter, encore une réflexion fur votre divin époux. S'il étoit permis de blâmer la conduite des Dieux, j'accufe

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