sources pour séduire ses spectateurs, que ses spectateurs étaient maintenant blasés, saturés, et qu'il ne trouvait plus de nouveautés à leur offrir. Ajoutez que les préoccupations politiques venaient lui faire une concurrence fatale, et qu'elles se mettaient trop souvent en travers pour que les auteurs fussent tentés d'écrire, et les directeurs disposés à monter à grands frais des œuvres en plusieurs actes que le public n'était pas toujours en humeur d'aller entendre, ou qu'il n'écoutait qu'avec une attention distraite1. Ainsi, lorsque Albion et Albanius de Dryden, écrit en vers, présenté avec un luxe extraordinaire de musique, de décors et de costumes, parut sur la scène, on apprit à Londres que le duc de Monmouth venait de débarquer à Lyme Regis en prétendant. Le public se montra, comme cela se conçoit, plus occupé de cette invasion que des aventures des héros de Dryden, et l'œuvre nouvelle, sur laquelle le théâtre et le poète avaient fait grand fond, n'eut en tout que six représentations 2. Mais la raison capitale pour laquelle le théâtre passa au second plan, c'est qu'il ne pouvait être qu'un très médiocre instrument de polémique, et que la polémique prenait maintenant le haut du pavé. Les anciens puritains, qui formaient la portion la plus considérable du parti whig, n'allaient pas au théâtre; les pièces mêmes qui soutenaient leurs idées ne parvenaient pas à les y attirer. « D'un côté, disait tristement Shadwell, nos papes et 1. And what can Players hope for, in these Days, (Shadwell, The Woman-Captain, prologue.) Je ne puis pas aisément excuser l'impression de cette pièce à un moment si inopportun, lorsque le grand complot de la nation, comme une des vaches maigres de Pharaon, a dévoré ses collègues plus jeunes, les intrigues du théâtre. (Dryden, The Kind Keeper, dédicace.) 2. This being perform'd on a very Unlucky Day, being the Day the Duke of Monmouth, Landed in the West: The Nation being in a great Consternation, it was perform'd but Six times, which not answering half THE Charge they were at, Involv'd the Company very much in debt. (Downes, Roscius Anglicanus, p. 40.) Si l'on en croit la tradition, dit Malone, Vie de Dryden, p. 186, l'auditoire se retira en désordre à la sixième représentation, et la pièce ne fut plus jouée. BELJAME. il nos moines déplaisent; et cependant, hélas! la Cité n'est pas notre amie. La Cité ne nous aime pas, ni nous ni notre esprit ; les bourgeois disent qu'au parterre leurs femmes apprennent à lancer des œillades, qu'elles s'habituent dans les loges à faire des avances, à répondre aux soupirs furtifs et aux regards provoquants. >> On n'avait donc par le théâtre aucune prise sur la bourgeoisie whig, et, quoi qu'on fit, le seul bénéfice qu'on pût retirer de pièces politiques, c'était d'affermir dans leurs opinions des tories dès longtemps convaincus trop maigre résultat obtenu avec trop de peine. La lutte ne pouvait pas ainsi se soutenir utilement il fallait de toute nécessité trouver une autre arme avec laquelle on pùt aller chercher ces adversaires qui se dérobaient; il fallait les attaquer chez eux; surtout il fallait raisonner avec eux; il fallait avec eux et avec la foule flottante des incertains et des irrésolus, toujours si importante en politique, discuter chaque incident nouveau, chaque principe émis, chaque personnage en vue, choses que le théâtre ne peut guère faire en aucun temps que d'une façon incomplète, et auxquelles il est forcé de renoncer lorsque les auditeurs lui font défaut, particulièrement les auditeurs qu'il a à cœur de convaincre. Cette besogne de polémique et de discussion, c'est la presse aujourd'hui qui s'en charge. Or il n'y avait encore en Angleterre qu'un embryon de presse. Les premières publications connues qui aient quelque apparence de journaux ne remontaient pas à beaucoup plus de cinquante ans. A partir de 16193 on avait vu apparaître de modestes petites brochures, assez mal imprimées, qui se chargeaient de fournir aux gens curieux des nouvelles des pays étrangers. Ces recueils de nou 1. Voy, page 57, note 1. 2. On a cité longtemps comme étant le premier journal anglais The English Mercurie, portant la date de 1588. Mais Mr. Watts, dans une lettre remarquable adressée à Antonio Panizzi, a péremptoirement établi que cet antique journal était un faux. Voyez ma Bibliographie, vo Watts. 3. Le catalogue des journaux anglais au British Museum commence à 1604. Mais avant 1619 je n'aperçois que des brochures relatives à des affaires d'État, des proclamations royales, publiées officiellement avec ces mentions : « Set forth by Authoritie »; « Commanded by his, Maiestie to be published in Print », et généralement imprimées par l'imprimeur du roi. Ce sont des publications politiques, mais non pas des journaux. 4. Newes out of Holland: Concerning Barnevelt... LONDON: Printed by velles ressemblaient au célèbre journal de Jérôme Paturot; ils paraissaient quelquefois »; la plupart n'eurent vraisemblablement qu'un unique numéro; quand ils vivaient plus longtemps, leur nom semble avoir varié à chaque nouvelle apparition. La première publication anglaise qui ait essayé d'être régulièrement périodique paraît avoir été Les Nouvelles hebdomadaires d'Italie, d'Allemagne, de Hongrie, de Bohême, du Palatinat, de France et des Pays-Bas (1622), imprimées, comme leur nom l'indique, une fois par semaine, et qui, à travers de continuels changements de titres et d'éditeurs, atteignirent, clopin-clopant, l'année 1640'. Périodiques ou intermittents, tous ces journaux - si l'on peut déjà employer ce nom se ressemblaient en ceci, qu'ils ne donnaient invariablement que des nouvelles de l'étranger, et se contentaient d'imprimer sèchement leurs renseignements, sans discussion. ni appréciation. Avec le Long Parlement et la guerre civile, les feuilles politiques étaient rapidement devenues plus nombreuses et plus vivantes. De 1640 à l'exécution de Charles Ier (1649) plus de cent paraissent avoir été publiées avec des titres différents, et plus de quatre-vingts autres de 1649 à la Restauration. T. S. for Nathanael Newbery... 1619 (British Museum). 28 pages petit in-4°, y compris le titre; douze pages sont consacrées à la France, an duc d'Épernon. Newes from Poland... Published by Authority... At London... 1621 (British Museum). Newes from France... Translated according to the French Copie, printed at Paris. London,... 1621 (British Museum). 1. The 23. of May. Weekely Newes from Italy, Germanie, Hvngaria, Bohemia, the Palatinate, France, and the Low Countries. Translated out of the Low Dutch Copie London, Printed by I. D. for Nicholas Bourne and Thomas Archer... 1622 (British Museum). Le 25 septembre 1622, Nathaniel Butter et William Sheffard mettent en vente « Newes from most parts of Christendome »; puis nous voyons Butter associé à Bourne pour publier « A TRUE RELATION OF THE AFFAIRES of Europe (4 octobre 1622) ». Le 15 octobre 1622, Butter et Bartholomew Downes publient « A CONTINUATION of the Affaires of the Low-Countries, and the Palatinate ». Très souvent apparaissent les mentions: «The Continuation of our Former Newes », « The Continuation of our Forraine Avisoes », « The Continuation of the Forraine Occurrents for 5. weekes last past », ou quelquefois le titre « The Weekely Newes Continued ». On reconnait que c'est le même journal au format et aux noms des libraires : Bourne, Archer, Butter, Downes et Sheffard. 2. George Chalmers, The Life of Thomas Ruddiman, 114, note m. Dans cet ouvrage, pp. 404-442, se trouve une liste chronologique des journaux parus depuis la guerre civile. Voyez aussi Andrews, ch. III-VI. Chaque événement, dans une époque où les événements ne chômèrent pas, eut tout de suite et en tout lieu son historien : l'un donna des nouvelles de la Grande-Bretagne, un autre d'Irlande, un autre d'Écosse ou du Pays de Galles; on eut des renseignements certains de divers endroits ; celui-ci instruisait les gens de ce qui se passait à Oxford, celui-là de ce qui se faisait à Westminster, un troisième de ce qui se faisait à la Cour. Chaque opinion, chaque tendance eut de même son représentant; on vit éclore de tous côtés des Mercures de toutes nuances Mercurius Civicus, Mercurius Philo-Monarchicus, Mercurius Morbicus, Mercurius Medicus, Mercurius Bellicus, Mercurius Pacificus, Mercurius Problematicus, Mercurius Veridicus, Mercurius Candidus, Mercurius Elencticus, etc. 3. 1. Mercurius Britannicus: Communicating the affairs of Great Britaine ... 1643 (British Museum); The Victorious proceedings of the Protestants in Ireland; from the beginning of March to this present, being the 22. of the same month... Printed at London for John Wright, in the Old-baily. 1642 (British Museum); Aprill the first, 1642. A Continuation of the Tryumphant and Couragious proceedings of the Protestant Army in Ireland .. London Printed for John Wright, 1642 (British Museum); The late Proceedings of the Scotish Army... 1644 (British Museum); --The Scotish Dove Sent out and Returning... April 1646. Num. 129 (British Museum); The Welch Mercury... 1643 (British Museum). — Speciall Passages And certain Informations from severall places, Collected for the use of all that desire to bee truely Informed.. 1642 (British Museum). Je donne les dates des numéros les plus anciens que j'ai pu voir. - 2. Numb. 1. Mercurius Academicus: Communicating the Intelligence and Affairs of Oxford... April 1648. (British Museum); The Spie: Communicating Intelligence from Oxford, [1643?] (British Museum); Mercurius Melancholicus; or, Newes from Westminster, and other Parts... 1647 (British Museum); Mercurius Aulicus, A Diurnall, Communicating the intelligence and affaires of the Court to the rest of the Kingdome. Oxford,... date rajoutée à la main : 1642/3 (British Museum). Mercurius Aulicus était rédigé par Sir John Birkenhead. 3. Mercurius Civicus... 1643; Mercurius Philo-Monarchicus, May 1649; Mercurius Morbicus... 1647; Mercurius Medicus... 1647; Mercurius Bellicus... 1617; Mercurius Pacificus... 1648; A New Mercury. Called Mercurius Problematicus... 1644; Mercurius Veridicus... 1646; Mercurius Candidus... 1646 ; Mercurius Elencticus... 1617; tous ces journaux sont au British Museum. Au milieu de ce déluge de Mercures, quelques-uns étaient embarrassés pour trouver un nom, comme le témoigne le titre suivant: 17 Jan. 1643 Mercurius, etc. [sic]. Upon my life new borne, and wants a Name, bee Mutus, - for wee Lyes enough doe know. (British Museum.) Il y en avait un qui donnait des nouvelles de l'enfer1; le Mercure Riant donnait des nouvelles authentiques de la lune et des antipodes. Les News-Books, comme on disait alors, naissaient et mouraient, car la plupart n'avaient pas la vie bien longue avec une rapidité prodigieuse. Chaque publication nouvelle faisait surgir immédiatement une ou plusieurs publications adverses: Mercurius Impartialis s'attaquait à Mercurius Militaris ; Mercurius Aquaticus répondait à tout ce qui a été ou sera écrit par Mercurius Britannicus», Mercurius Pragmaticus était combattu par Mercurius Anti-Pragmaticus, Mercurius Melancholicus par Mercurius Anti-Melancholicus; si un Eclaireur hebdomadaire voyait le jour, une autre feuille se chargeait de l'exposer aux lecteurs dans sa simple nudité 7. Il y eut même un Mercure qui déclara la guerre à tous ses confrères à la fois sous le nom de Mercurius Anti-Mercurius. Souvent, sans aller bien loin chercher un qualificatif différent, on empruntait sim 1. Mercurius Diabolicus, Or Hells Intelligencer... 1647 (British Museum). 2. The Laughing Mercury, or, a True and Perfect Nocturnall, Communicating many strange Wonders, Out of the World in the Moon, The Antipodes, Maggy-land, Tenebris, Fary-land, Green-land, and other adjacent Countries. Published for the right understanding of all the Mad-merry-People of GreatBedlam. From Wednesday Octob. 27. to Wednes. Novem. 3. 1652. Numb. 30 (British Museum). 3. Mercurius Impartialis or, An Answer to that Treasonable Pamphlet, Mercurius Militaris;... From Tuesday December 5, till Tuesday December 12. 1648 (British Museum); — Numb. 1 Mercurius Militaris... Beginning on Tuesday, October 10. 1648 (British Museum). 4. Mercurius Aquaticus, or, the Water-Poets Answer to all that hath or shall be Writ by Mercurius Britanicus. Ex omni ligno non fit Mercurius. Printed in the Waine of the Moone Pag. 121, and Number 16, of Mercurius Britanicus. 1643 (British Museum). 5. Num. 1. Mercurius PRAGMATICUS, Communicating Intelligence from all Parts, touching all Affairs, Designes, Humours, and Conditions throughout the Kingdome. Especially from Westminster and the Head-Quarters. From Tuesday Septem. 14, to Tuesday Septem. 21. 1647 (British Museum); Num. 1 Mercurius Anti-Pragmaticus. Communicating some remarkable Intelligence. From Tuesday Oct. 12. to Tuesday Oct. 19. 1647 (British Museum). 6. Mercurius Melancholicus... 1647, 1er no 14 Sept. (British Museum) Mercurius Anti-Melancholicus... 1647, 1er n° 18 Sept. (British Museum). On voit que la réponse suit de près. 7. The Weeckly Discoverer, The Discoverer stript Naked. Titres cités par Disraeli, Curiosities of Literature, Origin of Newspapers. 8. Numb. 1 Mercurius Anti-Mercurius. Impartially Communicating Truth, correcting falshood... Sept. 1648 (British Museum). |