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culture étoit alors très étendue dans ce pays. Abd-Allatif, qui étoit contemporain d'EbnAl-Awam, s'exprime de la même maniere, et décrit aussi une quantité de variétés que l'on cultivoit de son temps en Egypte, circonstance qui annonce que ces arbres y étoient très multipliés.

Les progrès de cette culture ont été plus lents en Italie et en France: il paroît que le limonier, apporté d'abord dans ces pays comine une variété du citronier, a été long-temps désigné par les écrivains européens, sous le nom générique de citrus, quoiqu'en Italie et dans les pays méridionaux de la France le peuple l'ait connu dès le commencement sous le nom propre de limon, nom qui est arrivé jusqu'à nous sans avoir subi aucun changement.

En effet nous le trouvons dans les botanistes sous le nom de citrus limon, ou de mala limonia, et quelquefois sous le nom de citrus medica, nom qui a été donné indistinctement, tantôt au limonier, tantôt au citronier, quelquefois à l'oranger, et très souvent au genre citrus (1).

(1) Ce n'est que vers la moitié du seizieme siecle que l'on commence à trouver dans les auteurs latins les différentes especes de citrus sous des noms différents; mais on voit que cette nomenclature n'étoit pas encore bien fixée dans la langue des savants. Judoco Hondio, dans sa Nova Italiæ hodiernæ Des

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L'oranger a commencé à paroître en Italie sous le nom d'orenges, que le peuple a modifié d'après

criptio, imprimée en 1626, dit que la plaine de S.-Remo étoit couverte citreis, medicis, et limonibus: il commence à y nommer le limon par son nom propre, et le distingue des citrons; mais qu'est-ce que le medici? Il est évident que ce ne peut être que l'oranger. Alberti, qui a écrit son Voyage d'Italie en 1528, se sert des noms italiens d'aranci, cedri, limoni, etc.; mais Giustiniani, qui en 1500 écrivoit l'Histoire de Gênes, et qui écrivoit en italien, dans un style qui se ressent du patois de son pays, n'emploie que des noms analogues à ceux dont s'est servi Hondio long-temps après: Il territorio di S. Remo (dit-il) è tutto pieno di citroni, limoni, cedri, e aranzi.. Il est aisé de reconnoître dans ces mots les quatre especes que l'on désigne maintenant sous les noms de bigaradier, limonier, citronier, et oranger; mais ce n'est que très tard que l'on s'est porté à les adopter, soit dans les langues vivantes, soit dans les langues mortes, telles que le grec et le latin; et il y a eu des puristes rigides qui ont mieux aimé se former des mots nouveaux tirés de l'ancien nom de citrus, dont ces especes étoient regardées comme des modifications, que d'adopter ces mots étrangers que l'on jugeoit être des barbarismes: c'est de cette maniere que l'on a créé les noms latins citrangulus, citrulus, cetronus, et les noms italiens citrangoli, cetroni, melangoli, etc.

En France, on a poussé ce purisme de langue jusqu'à conserver au limon, même dans la langue ordinaire, le nom de citron; et l'on a adopté les mots de limonade et de limonadier, parceque les marchands qui vendoient cette boisson, venus en France sous le ministere du cardinal Mazarin, n'y ont été connus que sous le nom qu'ils avoient en Italie : nous en avons une

les différentes prononciations des différents patois en arangio, naranzo, aranza, aranzo, citrone, cetrangolo, melarancio, melangolo, arancio.

On rencontre progressivement tous ces noms dans les ouvrages des treizieme, quatorzieme et quinzieme siecles, tels que ceux de Hugo Falcandus, Nicolaus Specialis, Blondus Flavius, Sir Brunetto Latini, Ciriffo Calvaneo, Bencivenni, Bocaccio, Giustiniani, Leandro Alberti, et plusieurs autres.

Les Provençaux ont aussi reçu cet arbre sous le nom d'orenges, et ce nom a été modifié en plusieurs manieres dans des temps différents, et dans différentes provinces en arangi, airange, orenge, et finalement en orange (1).

Pendant plusieurs siecles les auteurs qui ont écrit en latin se sont trouvés embarrassés pour

preuve dans une injonction aux limonadiers, rapportée par Delamare, dans son Traité de Police, où, parlant de ces marchands, il dit : Qui liquorem ex citreis expressum vendit, poculorum, citreorum, propola.... t. 1, p. 204. Point de doute que ces citrei n'étoient des limons; mais ce nom étoit regardé comme un mot vulgaire, et, écrivant en latin, on ne croyoit pouvoir se servir que du mot citri, que l'on regardoit comme le seul technique: c'est d'après ces principes que le mot de citron est resté en France au limon, même dans la langue ordinaire.

(1) Voyez le Glossaire de la langue romane, par Roquefort.

désigner ce fruit qui n'avoit point de nom dans cette langue.

Les premiers qui en ont parlé se sont servis d'une phrase indiquant ses caracteres, et accompagnée du nom populaire d'arangi, latinisé en orenges, arangias, arantium.

C'est ce qu'a fait Jacques de Vitry, qui a nommé les oranges poma citrina, en ajoutant que les Arabes les appeloient orenges, et Nicolas Specialis, qui les a désignées sous le nom de pommes aigres (acripomorum arbores), en observant que le peuple les appeloit arangias : ils ont été suivis par Blondus Flavius et plusieurs autres.

Matheus Silvaticus a été le premier à donner à l'oranger le nom de citrangulum (1), et cette dénomination paroît avoir été suivie pendant long. temps par les médecins, et par les traducteurs des ouvrages arabes, qui l'ont adoptée presque généralement pour rendre le nom arabe narindj. Ainsi le nom de citrangulum a été pendant plus

(1) Citrangulum narantium l. pomum lati. græce citromolum: ubi sciendum quod citrangulum est, cujus acetositas et semina in usum venerunt. De citrangulo vero nunquam mentionem reperi nec vidi, nisi in quinto Avicen. capit. de Syrupo alkedere ex compositione sua; et in Damasc. in Antidotario, ubi facit oleum de citrangulis, et oleum de citrangulorum seminibus. MAT. SILV. Pandectæ medicinæ, fol. LVIII.

d'un siecle le nom reçu dans la langue des sciences: ensuite on a peu à peu adopté le nom vulgaire latinisé qui étoit en usage chez les autres écrivains, tels que les auteurs des chroniques, etc., et on a écrit successivement arangium, arancium, arantium, anarantium, nerantium, aurantium, pomum aureum.

Les Grecs ont suivi les mêmes traces: soit qu'ils aient grécisé le nom de narenge, qui étoit en usage chez les Arabes de Syrie, soit qu'ils l'aient reçu des Croisés lors des guerres de la Terre-Sainte, ils ont adopté ce même nom dans leur langue, et l'ont appelé nerantzion (1).

Ces noms cependant ont toujours été considérés comme des noms vulgaires, et en général les meilleurs écrivains latins se sont servis du nom générique de citrus pour désigner les agrumes: cet usage, suivi par la plupart des écrivains d'histoire ou de corographie, met souvent beaucoup de dif

(1) Voici ce qu'en dit l'auteur des notes que l'on trouve à l'article de Théophraste, où il parle du citronier: Nerantzion (Nepàvτ(iov), vox barbara, quæ ex italica nerantio, quæ apud Italos malum aurantium denotat, nata videtur. Ex voce aurantia nata vox arantia; ex arantia, nerancio; ex nerancio νεράντιον, νεραντιον, ergo aurantium; quod frustra malum aureum, vel hesperidum malum esse contendunt.

Dans les isles de l'Archipel, on appelle l'oranger, en langue vulgaire, vegania ou nerica.

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