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épîtres, des élégies & des chanfons, qui toutes étoient adreffées à la Princeffe, afin de lui prédire les dons dont les Dieux devoient combler celle qui naîtroit des faveurs de Pallas.

Cependant on remarquoit dans toutes les actions de Tramarine une langueur & un fonds de trifteffe qu'elle ne pou voit vaincre, malgré les Fêtes toujours variées qu'on ne ceffoit de lui donner; mais on attribua cette mélancolie à fon état. Lorfqu'elle fut entrée dans le neuvieme mois, la Reine envoya inviter plufieurs Magiciennes, qui étoient fes amies particulieres, pour être préfentes à la délivrance de la Princeffe.

Le Royaume de Caftora eft rempli de Fées & de Magiciennes, à caufe des antres & des montagnes qui l'environnent; d'ailleurs le terrein y produit en abondance toutes les plantes qui leur font néceffaires pour la compofition de leurs maléfices: on prétend même que c'eft de ces climats que Médée retiroit celles qui lui étoient les plus propres pour les enchantemens.

Bagatelle, Pétulante, Minutie & Légere, que la Reine n'avoit point invitées, redou tant leurs fciences & plus encore leurs méchancetés, arriverent néanmoins des premieres. Elles étoient chacune dans un cabriolet des plus

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brillants, traîné par des Hirondelles; la Folie, habillée en Coureur, les devançoit. La Reine qui craignoit quelque maléfice de leur part, s'avança au devant d'elles, pour leur faire des excufes de ce qu'on ne les avoit point invitées des premieres. Sa Majesté en re. jetta la faute fur la Chanceliere. Les autres étant arrivées, on les fit entrer dans l'appartement de la Princeffe: Légere, Pétulante, Minutie & Bagatelle, commencerent par s'emparer des quatre colonnes du lit, quoique cet honneur ne fût dû qu'à la Fée Bonine & aux premieres Dames de la Cour. Mais ce n'étoit pas le moment de difcu

C

ter leurs droits : Lucine s'étant approchée de la jeune Princeffe, n'eut pas plutôt reçu l'enfant, que Pétulante & Légere s'écrierent toutes deux à la fois, que Tramarine avoit enfreint les Loix de l'Etat. Camagnole & Bonine qui ne pouvoient le croire, prirent chacune leurs grandes lunet tes pour le vifiter; mais ne pouvant diffimuler le sexe de l'enfant, la Fée Camagnole affura la Reine qu'elle fe chargeroit de l'éducation de ce Prince, & qu'elle n'en fût point inquiette. Heureufement ¿que Bonine, quoique fâchée d'avoir été prévenue par Camagnole, commença par douer ce Prince de fagesse, de scien

ce, de valeur & de prudence : les autres Magiciennes le douerent, à leur à leur tour, fuivant leur génie; mais elles ne purent détruire les bonnes qualités dont Bonine l'avoit doué. Cette Fée étoit la meilleure & la plus prudente de toutes les Magiciennes, jamais elle n'employoit fon Art que pour faire des heureux,

Bonine remarqua la douleur de la Reine, qui paroiffoit défelpérée qu'un pareil accident fût arrivé à Tramarine, le regardant comme le plus fanglant affront qu'on pût faire contre fon autorité. S. M. ne pouvant imaginer que la jeune Princeffe eût pû feule former un tel attentat, elle fit paffer

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