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CHAPITRE X.

L'accompliffement de l'Oracle. LE Génie, cédant au defir que Tramarine avoit de s'éloi gner, la conduifit fur les Côtes de la Lydie. La Princeffe, remarquant un Vieillard dont l'air majestueux fembloit infpirer le refpect, fe fentit fort émue. Cher Prince, dit-elle au Génie, je ne puis réfifter aux tendres mouvemens que je me fens pour ce vénérable Vieillard accordez - moi, je vous prie, la fatisfaction de l'entendre. Le Prince des On

dins complaifant, comme le font tous les Génies amoureux, dit à Tramarine qu'elle étoit la maîtreffe de l'interroger, & fit figne en même tems au Vieillard de s'approcher. Quoiqu'il n'ignorât point que c'étoit le Roi de Lydie, il voulut néanmoins laiffer à la Princeffe le plaifir d'en être inftruite par lui-même. Tramarine, fentant redoubler l'intérêt qa'elle prenoit à ce Monarque, car elle ne doutoit pas qu'il n'en fût un, lui demanda avec beaucoup de douceur, & ce ton que la tendreffe & l'amitié pure infpire, qui il étoit ? quelle contrée de la Terre il avoit habité avant de defcendre chez les Ondins? Je

fuis Ophtes, répondit le Roi,. j'ai régné plus de foixante ans dans la Lydie.

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A ces mots fi Tramarine n'eût pas joui des prérogatives attachées aux grands génies, qui ne peuvent jamais éprouver aucune foibleffe, elle fe fût sûrement évanouie; mais elle en fut quitte pour un petit faififfement. Ah, mon pere! s'écria la Princeffe, je puis donc enfin jouir du bonheur de vous revoir; mais n'avez vous point à vous plaindre du destin qui me le procure? Ma fille, reprit le Roi de Lydie, en lui marquant cette tendre émotion qu'on reffent à la vûe d'un plaifir inattendu, vous allez apprendre, par le récit

de mes aventures, la fatalité de mon destin, & l'accompliffement d'un Oracle qui, jufqu'à ce moment, m'a toujours paru impénétrable.

Je fçais, pourfuivit le Roi, que vous avez été instruite chez la Reine de Castora des principaux événemens qui fe font paffés dans la Lydie jufqu'au tems de votre exil; je pafferai donc rapidement fur les premieres années qui fe font écoulées, depuis il ne m'eft rien arrivé de remarquable. Je jouiffois d'une fécurité parfaite, ma Couronne étoit affurée dans ma famille par la naiflance de deux Princes que les Dieux m'avoient accordés, lorfque j'appris que

Pencanaldon, dont les Etats font contigus aux miens, venoit de faire une irruption dans une de mes Provinces ; j'appris en même tems qu'il s'étoit emparé d'une des plus fortes Places de la Lydie. Surpris d'un pareil procédé, sûr qu'il n'avoit aucune plainte à me faire d'aucune part que ce pût être, n'ayant jamais eu aucun démêlé avec lui, je me hâtai donc de faire affembler mes Troupes, dans la vûe de m'opposer à la rapidité de fes nouveaux progrès; je partis à la tête de cinquante mille hommes, tous Soldats aguerris, dans l'efpoir de chaffer le perfide Pencanaldon & de le châtier de fon audace: mais la

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