Imagens das páginas
PDF
ePub

N'oubliez pas, ma chere Brillante, ajouta la Princeffe, les avis que je vous donne, le tems approche où ce Dieu cherchera à vous féduire, il n'eft point de forme qu'il ne Içache prendre pour y parvcnir; car, lorfqu'il a entrepris de plaire, il paroît charmant & rempli d'attraits qui ne fervent qu'à fubjuguer la raison : le defir & la volupté marchent fur fes pas, l'efpérance l'accompagne prefque toujours, & il femble ne faire fon bonheur que de la félicité des Mortels. Vous ne devez pas à-préfent vousy laiffer furprendre, après le portrait que je vous en fais. C'étoit par de femblables inftructions qu'Argiliane s'ef

forçoit de faire goûter à Brillante les douceurs dont on jouit dans un état tranquille; mais la jeuneffe ne cherche que le plaifir, la folitude l'ennuie, & ce n'eft que l'âge & les réflexions qui puiffent lui faire goûter les confeils de la raison.

Brillante commençoit à fentir l'ennui, & fon cœur lui difoit qu'il étoit des plaifirs qu'el le pouvoit goûter; déja elle formoit des defirs fans fçavoir fur quoi les fixer, & des foupirs échappés firent craindre à la Princeffe qu'elle ne formât quelque inclination indigne du fang qui l'avoit formée : c'est pourquoi elle lui fit entendre, avant de la quitter, que le

Ciel l'avoit fait naître fort audeffus de l'état dans lequel elle étoit élevée, & lui promit de lui découvrir le myftere de fa naiffance à leur premiere entrevûe.

Brillante, élevée comme fimple fille de Berger, fut néanmoins peu furprise des ouvertures qu'Argiliane venoit de lui faire fur fa naiffance; la nobleffe de fon ame l'avoit fans doute avertie qu'un fang illuftre devoit couler dans fes veines & animer toutes fes actions. L'impatience qu'elle eut d'apprendre à qui elle devoit le jour, lui fit defirer de revoir bientôt la Princeffe; &, comme fi ce defir eût dû avancer fon retour, elle ne manquoit

plus d'aller fe promener tous les jours à l'entrée d'une Forêt, par où la Princeffe Argiliane avoit coutume de paffer pour fe rendre à fon Palais.

Un jour Brillante, fe trouvant beaucoup plus agitée qu'à l'ordinaire, n'avoit pû prendre aucun repos pendant la nuit ce qui lui fit devancer l'Aurore pour fe rendre à l'entrée de la Forêt. A-peine y fut-elle arrivée, qu'elle apperçut de loin un équipage dont l'éclat la furprit, & fixa en même tems toute fon attention. C'étoit une caléche doublée de fatin, & piquée avec des odeurs les plus agréables : l'impériale de cette caléche formoit un

tableau qui représentoit la

Déeffe Vénus, couchée nonchalamment fur un lit de fleurs, la tête appuyée fur les du Dieu Mars, regargenoux dant les Graces qui paroiffoient occupées à former des couronnes de myrte, pour en orner la tête de ces heureux Amans; on voyoit, au derriere de la caléche, le Berger Paris choisir Vénus entre les trois Déeffes, pour lui préfen ter la pomme; les côtés repréfentoient les différens attributs de la Déeffe.

L'Amour, affis au fond de cette admirable voiture, paroiffoit diftrait & rêveur, la tête un peu penchée à droite fur la Modeftie, regardant, avec indifférence, la Faveur

« AnteriorContinuar »